peter kapeller
l’œuvre au noir
Peter Kapeller, né à Vienne en 1969, remet en ordre, lentement, méticuleusement, ses obsessions. Il rumine beaucoup, produit peu. Tout au plus quelques dessins par an, intensément noirs et denses, dans lesquels sédimentent - strate après strate - ses emportements, ses fantômes, ses révoltes et ses espoirs. Jusqu’à l’enfouissement.
Dans la nuit de sa petite chambre meublée sommairement, il déploie dans ses oeuvres tout un journal intime à la manière d’un théâtre d’ombres. Il n’y laisse rien totalement à nu, rien n’y est « donné à voir », car partout les fausses pistes et les repentirs affleurent, partout il faut se frayer un chemin dans l’obscurité du sens pour parvenir jusqu’à l’auteur.
À examiner ses bribes d’insomnie, l’on se raccroche comme l’on peut à des lambeaux de phrases, à des silhouettes surgies d’un enchevêtrement de lignes, à des lueurs et des colorations ménagées dans ce tumulte ou gagnées sur cet océan d’encre. Il y a là aussi des noms qui attestent que Kapeller est un observateur lucide - à défaut d’en être un acteur à part entière - du paysage culturel de son pays : on y croise Elfriede Jelinek, sœur d’affliction, Thomas Bernard, frère de génie ou Herman Nitsch, « salaud » abhorré.
L’œuvre de Peter Kapeller est le témoignage déchirant d’un homme qui est intimement, viscéralement convaincu que l’art le sauve. Et, pour que ce processus soit complet, il nous prend à témoin de cet « œuvre au noir ». Car, comme l’écrit Claire Margat, « seul un désir inextinguible de chroniquer cette lutte pour la survie, seul l’effort tenace d’en donner un aperçu sous la forme opaque de feuilles de papier noircies à l’encre sur lesquelles surgissent çà et là, comme pour donner un visage au néant qui les environne, des fragments de discours ou des figures amputées, le fait tenir : parce qu’il parvient malgré tout à tenir le journal de bord de ce naufrage permanent. »
Après l’exposition que lui avait consacrée Chris Dercon au Haus der Kunst, à Munich, en 2010, il s’agit de sa première exposition monographique en galerie.
Préface : Claire Margat
Avant-propos : Christian Berst
Publié à l’occasion de l’exposition Peter Kapeller : l’oeuvre au noir, du 9 décembre 2014 au 24 janvier 2015.
OUT OF PRINT