Mississippi Metal On Highway 51
Mary T. Smith
En mars 1986, James Smith Pierce s’est rendu à Hazelhurst, dans le Mississippi, où il a documenté la cour de Mary Tillman Smith, y compris cette installation d’œuvres placées le long de la clôture de l’artiste. La grande figure sans titre au centre de l’exposition fait partie des premières peintures réalisée par l’artiste.
Mary T. Smith utilise comme toiles des feuilles de tôle découpées à la main habituellement utilisées comme matériaux de construction. Des portraits en noir, rouge et vert sont dessinés sur un fond blanc éclatant. Les œuvres de cette période sont souvent accompagnées de slogans ou de phrases, avec des degrés de lisibilité variés, fonctionnant comme des dévotions, des avertissements, ou des questions. Smith était une croyante fervente, et beaucoup de ses portraits étaient des représentations du Christ ou d’autres figures religieuses, marquant l’influence évidente de la longue histoire de l’iconographie chrétienne. Sa maison était également à portée de vue de deux grands panneaux publicitaires le long de l’autoroute, et on pouvait facilement tracer une ligne entre le langage publicitaire que Smith voyait constamment – une image frappante associée à une phrase succincte, pensée pour ancrer une idée dans l’esprit du spectateur – et le langage qu’elle commençait à développer dans ses peintures.
Les idées que Smith souhaitait communiquer sont simples et puissantes. Elles plongent profondément dans le passé, tout en restant immédiatement reconnaissables et tout à fait contemporaines. Une œuvre qui rappelle si puissamment à la fois les peintures rupestres – peut-être nos premiers exemples d’art – et l’ultra-contemporanéité du selfie. Les peintures de Smith célèbrent les essences de la vie humaine : la spiritualité profonde et la joie face aux difficultés. Un sens indéniable de la forme et de la couleur, associé à sa détermination à être libre et à exprimer cette liberté, Mary T. Smith laisse derrière là, une vie entière de monuments à la présence, à la fois la sienne et une présence collective s’étendant depuis cette maison à Hazlehurst pour inclure ses amis, sa communauté, et finalement tous ceux qui contemplent son œuvre.
Enfant pauvre du Mississippi contrainte aux labeurs les plus durs, cette Afro-Américaine a entamé, au soir de sa vie, un œuvre qui s’apparente à un véritable blues graphique. Mary T. Smith donnait corps à sa cosmologie personnelle en peignant sur des panneaux de tôle et de bois disposés autour de sa maison. Son “esthétique solaire” — dixit Daniel Soutif — et ses modes de représentation puissamment élémentaires ont fait forte impression sur Jean-Michel Basquiat. Aujourd’hui considérée comme une figure emblématique de l’art brut américain, ses œuvres sont entrées au Metropolitan Museum of Art (New York), au Smithsonian Museum of American Art (Washington) ou encore au High Museum of Art (Atlanta).