jorge alberto cadi
la matière noire
Visages scarifiés, corps démontés, cicatrices et croix partout, le monde horrifique de Cadi est peuplé d’êtres mutants. Tel un apprenti sorcier, chaque individu photographié a subi sous ses mains une métamorphose pour en révéler ce qui était caché. Pour Cadi, la réalité ment et les images ne sont que les reflets de ce mensonge.
Exclu, brimé, souvent moqué, il grandit à La Havane dans un environnement familial violent et cruel. Depuis l’enfance, il se réfugie dans l’art où il laisse libre cours à sa schizophrénie. Dans ses photomontages qu’il compose de façon obsessionnelle, il laisse exploser sa rage existentielle. Chaque collage est une sorte de duel où il règle ses comptes à chacun.
Son regard sensible cherche à décoder les représentations de la société pour en montrer la violence intrinsèque, le mal caché et les désirs inavouables. Il voit tout, tel un médium halluciné. Sous ses yeux, les photographies deviennent des plaques sensibles où se révèlent les secrets des hommes, l’hypocrisie des rapports humains et l’enfermement de la société dans des convenances qu’il abhorre.
Ses photomontages incarnent le dialogue qu’il tente désespérément de créer avec le monde extérieur, un monde rempli de fantômes, de peur et de désirs brûlants.
Sébastien Lifshitz, commissaire de l’exposition
Dans les rues de La Havane, Jorge Alberto Cadi n’est connu que comme « El Buzo » - le plongeur-, constamment à la recherche de matériel pour ses œuvres, dans les objets délaissés de la ville. Boltanskien dans son usage mémoriel de la photographie, warholien lorsqu’il coud des greffons d’images entre eux, Cadi cherche avant tout à révéler ce que les images cachent. Exposé pour la toute première fois en 2019 par la galerie, puis en 2022 à Paris Photo, il a été présenté la même année dans le 2e volet de Photo brut qui, après les Rencontres de la photographie d’Arles, a été accueilli à la Centrale et au Botanique, à Bruxelles. Son œuvre fait notamment partie des collections du Musée national d’Art moderne (Pompidou). En 2023, il a été exposé par Sophie Calle au Musée Picasso.