albert moser
life as a panoramic
À l’instar de Miroslav Tichy - que le monde de l’art a pu apprécier grâce aux expositions de Harald Szeemann et, plus récemment, lors d’une rétrospective au Centre Pompidou - Albert Moser, créateur aussi sauvage que secret, est une découverte majeure.
D’abord parce que son exposition soudaine repose la sempiternelle question de la réception d’une telle oeuvre, conçue et conservée dans la clandestinité. Ensuite, parce que les créations de Moser interrogent avec plus de force encore la problématique de la photographie dans l’art brut. Au risque, comme l’écrit André Rouillé, « d’infirmer ainsi la supposée essence manuelle » de cet art.
Mais, au-delà de ces interrogations sur les critères et les classifications, ce travail s’apparente, selon Christian Caujolle, à une « matérialisation d’une projection sur le monde d’images mentales », voire à « un exercice cathartique » comme le suggère Phillip March Jones. Ce qui frappe, d’ailleurs, outre l’audace poétique, c’est la volonté délibérée de réinventer, voire tordre la réalité saisie dans l’objectif.
Moser recoupe ses clichés puis les colle les uns aux autres avec du ruban adhésif pour produire des oeuvres qui rompent avec la planitude et dans lesquelles le paysage se referme sur lui-même, comme sur celui qui regarde, en une sorte de vertige optique qui contraste avec l’amplitude du déploiement propre au panoramique.
Né en 1928 à Trenton (NJ), ce fils d’immigrants juifs russes, atteint d’autisme, a vécu jusqu’à l’âge de 60 ans avec ses parents et ne les a quittés que durant son service militaire dans les forces d’occupation américaines au Japon, de 1946 à 1948. Sa vie fut ensuite rythmée par une succession de petits boulots et dominée par l’idée qu’il serait photographe. À désormais 84 ans, dans le foyer d’accueil où il vit, Albert Moser réalise inlassablement des centaines de dessins, sortes de mandalas qui se caractérisent par la scansion de motifs géométriques.
Cet ensemble forme peut-être le deuxième volet de sa cosmologie personnelle, et ses éléments, mis bout à bout, constitueraient à nouveau un panoramique parfaitement imparfait, à l’image de la vie.
Cet artiste américain, autiste, a vécu la majeure partie de sa vie chez ses parents, avant de rejoindre le foyer d’accueil du New Jersey où il vit encore. Moser a d’abord obtenu la reconnaissance pour ses panoramas photographiques bricolés, puis pour ses dessins géométriques aux relents psychédéliques. Mais quel soit le médium, ses travaux témoignent de la même obsession de l’espace. Ils rendent compte, à leur manière, du vertige au travers duquel il tente de trouver sa place dans le monde. Exposé en 2019 aux Rencontres de la photographie d’Arles, son travail fait notamment partie des collections d’Antoine de Galbert (France), ou encore Treger Saint Silvestre (Portugal).