Albert Moser
Cet artiste américain, autiste, a vécu la majeure partie de sa vie chez ses parents, avant de rejoindre le foyer d’accueil du New Jersey où il vit encore. Moser a d’abord obtenu la reconnaissance pour ses panoramas photographiques bricolés, puis pour ses dessins géométriques aux relents psychédéliques. Mais quel soit le médium, ses travaux témoignent de la même obsession de l’espace. Ils rendent compte, à leur manière, du vertige au travers duquel il tente de trouver sa place dans le monde. Exposé en 2019 aux Rencontres de la photographie d’Arles, son travail fait notamment partie des collections d’Antoine de Galbert (France), ou encore Treger Saint Silvestre (Portugal).
Albert Moser, né en 1928 à Trenton (NJ) et décédé en 2022, était considéré comme autiste. Il a vécu jusqu’à l’âge de 60 ans avec ses parents - des immigrants juifs russes. Dans sa jeunesse - après avoir été envoyé avec l’armée d’occupation américaine au Japon - Albert a exercé quantité de petits métiers : laveur d’avions sur une base militaire, vendeur de bonbons… Mais il s’est toujours imaginé photographe. Notamment après avoir suivi quelques cours de photographie à l’Ecole des Arts industriels dans le cadre des formations allouées aux anciens GI. Expérience à la suite de laquelle il se fera fabriquer un tampon avec la mention “photographer” qu’il apposera au dos de ses clichés, à côté de la description méthodique de ses prises de vue.
À partir des années 1970 et durant plus de 25 ans, il réalise quelques centaines de panoramiques (allant parfois jusqu’à 360°) dont il fait faire des tirages au format amateur (souvent en 10x15) par un photographe de quartier. Puis, il recompose minutieusement ses paysages urbains dans un format linéaire qu’il colle, photo après photo. Il retrouve les jonctions à l’aide de ses ciseaux, et les relie avec du scotch transparent ou « masking tape », ce qui confère à ses assemblages une qualité plastique, une matérialité rares. Ce qui frappe encore, outre l’audace poétique, c’est la volonté délibérée de réinventer, voire tordre la réalité saisie dans son objectif. Le paysage se referme sur lui-même comme sur celui qui regarde, en une sorte de vertige optique qui contraste avec l’amplitude du déploiement propre au panoramique. Albert Moser n’a pourtant jamais cherché à exposer. Il gardait enroulées ses compositions les unes dans les autres, au fond d’un sac, sans jamais les montrer. Il aura fallu, pour les découvrir enfin, un extraordinaire concours de circonstances…
Textes : André Rouille, Christian Caujolle, Phillip March Jones
Avant-propos : Christian Berst
Publié à l’occasion de l’exposition Albert Moser : life as a panoramic, du 1er juin au 12 juillet 2012.
Coédité avec la Manufacture de l’Image, 2012.
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