anna zemankova
hortus deliciarum
La galerie a choisi de clore sa saison en présentant la Tchèque Anna Zemánková (1908-1986), considérée comme une classique de l’art brut et qui aura les honneurs du pavillon international à la biennale de Venise 2013. Le temps de l’exposition, l’oeuvre de Jérôme Clermont BigMoserView, réalisée à l’occasion de Parizone@dream, sera exposée dans le cabinet de curiosité de la galerie.
Notre époque serait-elle à ce point désenchantée pour que la biennale de Venise investisse l’oeuvre d’une petite âme de Moravie du pouvoir de libérer des potentialités nouvelles ?
Anna Zemánková (1908-1986), figure déjà consacrée de l’art brut, produisit en effet dès les années 60 une oeuvre à laquelle sa condition ne l’avait pas préparée, et, surtout, qui répondait par nature à des injonctions venues des tréfonds, et dont le processus se souciait peu de plaire.
Ainsi, à l’heure où les démons de la nuit le disputaient encore aux irisations séminales de l’aube, cette mère de famille - en transe - cueillait en pensée des fleurs étranges que, plus tard, elle ferait saillir du papier, recoudrait, surbroderait, taillerait, en constellerait parfois les ciels de milliers de trous d’aiguilles.
Toute une magie blanche au service d’un hortus deliciarum dont elle pensait peut-être tirer des onguents, des baumes et des philtres afin de soigner la dépression et laisser flotter son être. Tandis qu’elle était amputée de ses jambes et condamnée à la silencieuse contemplation du jour qui se lève, cette végétation croissait lentement en elle. « Je fais pousser des fleurs qui ne poussent nulle part ailleurs » avait-elle coutume de dire. Mais cette végétation sans racines ni humus, ces floraisons tantôt mentales, tantôt érotiques, de quel herbier des abysses sourdent-elles ? À quel règne appartiennent-elles ? De quelle classification relèvent-elles ?
D’ailleurs, à l’instar de la production de Séraphine de Senlis, s’agit-il encore de fleurs ? Ne sont-ce pas déjà des fruits ? Charnus, emplis de sucs entêtants, gorgés de la pulsion d’une femme qui, s’en remettant au mystère non élucidé, dit simplement «je vis».
Un catalogue bilingue (FR|EN) avec des textes de Terezie Zemánková et Manuel Anceau est publié.
C’est dès le début des années 60 que cette humble Moravienne se mit à produire un œuvre auquel sa condition ne l’avait pas préparée, répondant de façon saisissante à des injonctions venues des tréfonds. Ainsi, à l’heure où les démons de la nuit se disputaient encore les irisations séminales de l’aube, elle cueillait en pensée des fleurs étranges pour les faire saillir du papier. Anna Zemánková est une figure déjà consacrée de l’art brut, au point qu’elle fut honorée en 2013 à la Biennale de Venise avant qu’un ensemble important de ses œuvres rejoigne les collections du Centre Pompidou, puis les collections du Boston Museum of Fine Arts en 2020. En 2024, ses œuvres sont présentées pour la seconde fois à la Biennale de Venise sous le commissariat d’Adriano Pedrosa.
Préface : Terezie Zemankova
Avant-propos : Christian Berst
Publié à l’occasion de l’exposition Anna Zemankova : hortus deliciarum, du 31 mai au 20 juillet 2013.