Anna Zemankova
Anna Zemánková est une figure déjà consacrée de l’art brut, au point qu’elle fut honorée en 2013 lors de la 55e biennale de Venise avant qu’un ensemble important de ses œuvres ne rejoigne les collections du Centre Pompidou. C’est dès le début des années 60 que cette humble Moravienne se mit à produire un œuvre auquel sa condition ne l’avait pas préparée et qui répondait de façon saisissante à des injonctions venues des tréfonds. Ainsi, à l’heure où les démons de la nuit le disputaient encore aux irisations séminales de l’aube, elle cueillait en pensée des fleurs étranges avant de les faire saillir du papier. « Je fais pousser des fleurs qui ne poussent nulle part ailleurs » disait-elle.
Née en 1908 à Olomouc en Moravie, Anna montre dès l’enfance un goût prononcé pour le dessin qui, toutefois, se heurte à l’incompréhension de son père : elle devient assistante dentaire.
En 1933, elle se marie à un officier, arrête de travailler et se consacre pleinement à son foyer. Le couple a trois fils (dont le premier décède à l’âge de 4 ans), puis, plus tardivement, une fille. Son rôle de mère aimante l’occupe à plein temps. Après la seconde guerre mondiale, la famille déménage à Prague, puis, en 1950, Anna entre en dépression puis, en raison de son diabète, subit l’amputation de ses deux jambes.
À plus de 50 ans, – renouant peut-être avec son rêve d’enfant – Anna se met à produire quotidiennement des dessins spontanés d’inspiration végétale, entre 4 h et 7 h du matin, moment où elle a le sentiment de capter des forces magnétiques. Elle ignore, au commencement de l’œuvre, sa forme finale : « Tout marche tout seul », « […] pas besoin de réfléchir ».
Ces productions, aux détails saisissants, mues d’un rythme singulier entre spirales, arabesques et formes géométriques, font d’Anna une figure majeure de l’art brut. Elle est représentée dans les plus prestigieuses collections, jusqu’à connaître la consécration du pavillon international de la biennale de Venise 2013.

Textes : Terezie Zemánková et Manuel Anceau
Avant-propos : Christian Berst
Publié à l’occasion de l’exposition Anna Zemánková: hortus deliciarum #2, du 17 juin au 18 juillet 2021.