Anna Zemánková
C’est dès le début des années 60 que cette humble Moravienne se mit à produire un œuvre auquel sa condition ne l’avait pas préparée, répondant de façon saisissante à des injonctions venues des tréfonds. Ainsi, à l’heure où les démons de la nuit se disputaient encore les irisations séminales de l’aube, elle cueillait en pensée des fleurs étranges pour les faire saillir du papier. Anna Zemánková est une figure déjà consacrée de l’art brut, au point qu’elle fut honorée en 2013 à la Biennale de Venise avant qu’un ensemble important de ses œuvres rejoigne les collections du Centre Pompidou, puis les collections du Boston Museum of Fine Arts en 2020. En 2024, ses œuvres sont présentées pour la seconde fois à la Biennale de Venise sous le commissariat d’Adriano Pedrosa.
Dès le début des années 1960, à 50 ans passés, cette humble Tchèque s’est mise à produire un œuvre auquel sa condition ne l’avait pas préparée et qui répondait de façon saisissante à des injonctions venues des tréfonds. C’est à l’heure où les démons de la nuit le disputaient encore aux irisations séminales de l’aube, quasiment en transe, qu’elle cueillait en pensée des fleurs étranges avant de les faire saillir du papier.
Les recousant, les surbrodant, les gaufrant. Toute une magie blanche au service d’un hortus deliciarum dont elle pensait peut-être tirer des onguents afin de soigner sa dépression et laisser flotter son être. « Je fais pousser des fleurs qui ne poussent nulle part ailleurs » avait-elle coutume de dire.
Cette végétation sans racines ni humus, ces floraisons tantôt mentales, tantôt organiques, de quel herbier des abysses sourdent elles ? À quel règne appartiennent elles ? D’ailleurs, à l’instar de la production de Séraphine de Senlis, s’agit-il encore de fleurs ? Ne sont-ce pas déjà des fruits ? Charnus, emplis de sucs entêtants, gorgés de la pulsion d’une femme qui, s’en remettant au mystère non élucidé, dit simplement « je vis ».
Ces productions, aux détails saisissants, mues d’un rythme singulier entre spirales, arabesques et formes géométriques, font d’Anna Zemánková une figure majeure de l’art brut. Elle est représentée dans les plus prestigieuses collections, jusqu’à connaître la consécration du pavillon international de la Biennale de Venise 2013.
Textes : Terezie Zemánková et Manuel Anceau
Avant-propos : Christian Berst
Publié à l’occasion de l’exposition Anna Zemánková: hortus deliciarum #2, du 17 juin au 18 juillet 2021.
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