August Walla
Ecce Walla
August Walla (1936 - 2001) - considéré depuis longtemps comme l’un des “classiques” de l’art brut - était certainement le plus polyvalent d’entre eux. L’œuvre peint de cet Autrichien de génie est exposé et collectionné depuis près de 40 ans.
Cette reconnaissance est d’abord due à son psychiatre, le visionnaire Dr. Navratil : il l’avait accueilli dans son Haus der Künstler, la communauté d’artistes établie au sein même de l’asile de Gugging, et lui avait consacré une importante monographie dès 1988. Mais, même si Walla a semble t-il toujours compensé sa réticence à la prise de parole - qu’il réservait à sa mère - par une créativité hors norme, son destin doit beaucoup à sa rencontre avec ses médecins, Leo Navratil puis Johann Feilacher (à qui nous devons le texte de notre catalogue).
Pour la première fois de sa vie, Walla n’avait plus à se cacher des autres. Après une enfance marquée par le rejet, et durant laquelle sa mère le déguisait en petite fille par crainte qu’il ne soit enrôlé dans la Wehrmacht, après des va- et-vient incessants entre foyers et hôpitaux psychiatriques, il pouvait enfin être lui-même. Pour faciliter son acclimatation, sa mère fut même autorisée à vivre avec lui dans l’institution.
Et sa fièvre artistique de prendre une dimension nouvelle, puisqu’il pouvait désormais coloniser son environnement de ses mots et de ses symboles sans crainte de représailles. Il y était même encouragé. On ne s’étonnera cependant guère qu’à son entrée à Gugging, l’œuvre picturale qu’il développa alors en parallèle fut plus facile à appréhender par le public : plus démonstrative, plus figurative, cette peinture peuplée de figures hiératiques et de symboles politiques antagonistes flattait l’idée que l’on se faisait alors de l’art brut.
Mais Walla, avare de paroles, a toujours été un infatigable graphomane, un créateur de novlangues nourri des dictionnaires du Monde entier dont il aimait s’entourer. Il n’avait pas attendu cet internement pour “s’engager dans une expansion symbolique vertigineuse, illimitée” comme le soulignait Michel Thévoz dès 1986. Bien au contraire, le créateur polymorphe qu’il était commença dès la fin des années 50 à s’exprimer à travers la photographie, l’installation, le détournement d’objets, la dactylographie de manifestes, et ne cessa jamais de le faire.
Au point que l’on peut penser que cet aspect-là de son œuvre en formait le noyau essentiel, car plus intime, donc moins inhibé, moins tributaire de la réception du public.
Jamais un ensemble historique d’une telle importance n’avait été réuni dans une galerie, témoignant, une fois encore, que l’art brut ne se laisse enfermer dans aucun carcan.
Après une enfance tourmentée et une adolescence turbulente, August Walla est diagnostiqué schizophrène et est finalement admis – avec sa mère - à l’hôpital de Gugging, près de Vienne, en 1970. Devenu pensionnaire de la Maison des artistes, il y restera jusqu’à la fin de ses jours. S’exprimant à travers la photographie, l’installation, le détournement d’objets et la dactylographie de manifestes, l’écriture et le dessin sont devenus indissociables dans son oeuvre. Figure incontournable de l’art brut, collectionné par David Bowie, Walla est présent dans un grand nombre de collections à travers le monde, dont celles du MoMa (New York), du Milwaukee Art Museum (Wisconsin), de la collection de l’art brut de Lausanne (Suisse) et du Musée national d’Art moderne (Pompidou).
Préface : Johann Feilacher
Avant-propos : Christian Berst
Publié à l’occasion de l’exposition August Walla : ecce walla, du 18 avril au 23 mai 2015.