Misleidys Francisca Castillo Pedroso
Musculatura Viva
La famille n’est pas sûre de la date exacte, mais il y a quelques années, Misleidys Francisca Castillo Pedroso a commencé à peindre des personnages masculins musculaires, plus ou moins déshabillés, sur du papier de construction. Après en avoir découpé les contours, elle les a installé méthodiquement sur les murs de tout l’appartement, en utilisant des morceaux de ruban d’emballage découpés avec précision, régulièrement espacés sur le pourtour. Certaines des silhouettes étaient quelques dizaines de centimètre de hauteur tandis que d’autres approchaient les 2,5 m, se déployant du sol au plafond.
Puis vinrent les parties du corps sectionnées - mains, pieds, et cerveaux flottant librement. Un jour, elle a commencé à peindre des visages et des corps avec vues en coupe révélant tissus et organes abstrait de couleurs vives. Récemment, Misleidys a entrepris de représenter des silhouettes féminines en bikini, et des assemblages de têtes représentant des générations, des jumeaux, des familles, ou quelques autres connaissances. Son travail est en constante évolution.
Misleidys Francisca Castillo Pedroso est née à Güines, une petite ville près de La Havane à Cuba, le 28 septembre 1985. La plus jeune des deux enfants, Misleidys est sourde de naissance et ne parle pas. Elle communique avec sa famille immédiate à travers une série de signes rudimentaires, mais ces échanges sont limités à ses besoins les plus élémentaires et à ses états émotionnels. Elle passe le plus clair de son temps chez elle en compagnie de sa famille.
Politiquement, économiquement et socialement, Cuba a été isolé pendant des décennies. En conséquence, Misleidys a connu une sorte de double isolement et produit une œuvre qui est presque entièrement influencé par son état intérieur, les limites de l’appartement de la famille, et le contact sociale qu’elle entretient entre ses murs.
Personne ne sait pourquoi Misleidys a commencé la peinture ou sa perception du travail qu’elle produit, mais sa mère a parfois observé sa fille debout devant les dessins, les regarder et produire des gestes comme si elle leur parlait. Misleidys regarde ses peintures dans les yeux, comme si elle les reconnaissait, comme on reconnaît un ami ou une connaissance. Peut-être produit-elle des anges gardiens pour veiller sur la vie de sa petite famille, ou des amis avec qui elle peut converser quand les autres ne sont pas là. Peut-être sont-ils des manifestations de fantasmes moins innocents.
Quelle que soit la véritable nature de ce travail, Misleidys puise clairement une énergie vitale dans ses personnages, créant des êtres qui existent dans l’espace entre notre monde et le sien.
Cette artiste cubaine n’a d’autre moyen d’expression que sa création : des personnages aux corps bodybuildés, auréolés de scotch brun. Véritable communauté constituée d’hommes, de femmes, d’hermaphrodites et de faunes à travers laquelle Misleidys construit sa socialité. Découverte par la galerie en 2014, elle a été présentée dans plus de 10 expositions internationales depuis 2018 dont New Images of Man à Los Angeles, Flying High à Vienne, Independent à New York. Plébiscitée par Matthew Higgs et Karen Wong (New Museum, NYC), elle a fait l’objet de récentes recensions dans le New York Times et Art in America.
Son œuvre fait notamment partie des collections du Musée national d’Art moderne (Pompidou).
Préface : Karen Wong
Avant-propos : Christian Berst
Publié à l’occasion de l’exposition Misleidys Francisca Castillo Pedroso : Musculatura Viva, du 19 avril au 31 mai 2015.