michel nedjar
momentum (une rétrospective)
La trajectoire extraordinaire de Michel Nedjar pose une question rarement abordée : celle d’une possible impermanence de l’art brut.
Jean Dubuffet lui écrivit à plusieurs reprises son admiration et l’entrée de son oeuvre dans sa collection d’art brut fut accompagnée par un texte du grand critique anglais Roger Cardinal, tandis que plusieurs dizaines de ses travaux figurent aujourd’hui dans les collections du Centre Pompidou. Découvert il y a près de 35 ans, il est sans doute aujourd’hui l’artiste brut vivant qui fut le plus exposé au Monde, et qui a fait l’objet d’un grand nombre de publications.
Lorsque Michel Nedjar - né en 1947 et hanté depuis l’adolescence par la décimation de sa famille dans les camps nazis – produit ses premières poupées (ses “chairdâmes”), qu’il recouvre de terre et de sang, avec les chiffons glanés dans le quartier de la Goutte d’Or, l’impulsion créatrice de celui qui se destinait à devenir tailleur, comme son père, tenait alors davantage de l’exutoire ou de la conjuration. Mais dès lors, sa vie va basculer, au point que l’enthousiasme des élites pour ses créations jaillies par pure nécessité va lui révéler son véritable destin d’artiste.
Il est donc difficile de comprendre comment Michel Nedjar a pu continuer ultérieurement à être considéré comme un artiste brut. Mais il est probable que l’explication tienne à la forme même de ses productions, et aux matériaux pauvres qu’il continuait à employer pour les réaliser.
L’on est d’ailleurs en droit de s’interroger si ce malentendu n’a pas été sciemment entretenu par les thuriféraires d’un art brut qui, par dogmatisme, étaient davantage soucieux d’imposer une iconographie destinée à étanchéifier une frontière artificielle avec l’art de notre époque.
Alors qu’il vaudrait mieux saluer, comme le fit Dubuffet, la “flamboyante sorcellerie” et les “hautes incandescences mentales” que l’art de Michel Nedjar nous permet d’atteindre.
Cette rétrospective - qui retrace toutes les périodes de la création de Michel Nedjar (poupées - anciennes et modernes -, papiers mâchés, terres cuites, coudrages, peintures et dessins)- se veut le vibrant témoignage de ce momentum.
Il est l’artiste brut vivant le plus exposé et publié, pourtant la trajectoire extraordinaire de ce français pose une question rarement abordée : celle de l’impermanence de l’art brut. Découvert par Jean Dubuffet alors qu’il travaille sur la résurgence du corps symbolique, il s’autorise à devenir l’artiste protéiforme que l’on connaît. Dès lors, sa création incarne une absolue liberté. Présent dans d’innombrables collections, il est le premier artiste brut à être entré dans celles du Musée national d’Art moderne (Pompidou). Michel Nedjar s’est vu consacrer neuf expositions monographiques.
Préface : Stéphane Corréard
Avant-propos : Christian Berst
Publié à l’occasion de l’exposition Michel Nedjar : momentum (une rétrospective), du 23 mai au 12 juillet 2014.