Michel Nedjar
Il est l’artiste brut vivant le plus exposé et publié et, pourtant la trajectoire extraordinaire de ce français pose une question rarement abordée : celle de l’impermanence de l’art brut. Découvert par Jean Dubuffet au moment où il travaille sur la résurgence du corps symbolique, il s’autorise alors à devenir l’artiste protéiforme que l’on connaît et qui, dans la création, incarne une absolue liberté. Présent dans d’innombrables collections, il est le premier « brut » à être entré dans les collections du Musée national d’art moderne (France). Depuis 2008 il s’est vu consacrer huit expositions monographiques par Le Mahj (Paris), le LaM (Lille), le musée Gugging (Vienne), le domaine de Chamarande (France), la Collection de l’Art Brut et la galerie.
Michel Nedjar naît en 1947 à Soisy-sous-Montmorency (Val d’Oise) d’une mère ashkénaze et d’un père séfarade. Troisième d’une famille de 7 enfants, il se passionne très tôt pour le tissu - son père est tailleur -, confectionnant des robes pour les poupées de ses sœurs - avec lesquelles il joue en cachette - et accompagnant sa grand-mère vendre des fripes (Schmatess) au marché aux Puces. Adolescent, il prend douloureusement conscience de l’horreur de la Shoah, de l’histoire de sa famille, en grande partie victime du nazisme : les poupées tragiques qu’il se met alors à créer en sont la réminiscence. Par la suite, il entreprend plusieurs voyages en Asie et au Mexique où il découvre les poupées magiques kachinas et les momies : « Ce n’était pas mort. Elles avaient leurs costumes, leurs robes collées sur la peau. »
C’est à son retour qu’il fabrique ses premières poupées (ses « chairs d’âme ») faites de cordes, de haillons et de plumes qu’il trempe dans un bain de terre, de teinture et de sang. Autant de cadavres brûlés et de corps mutilés. À partir de 1980, sa créativité s’étend au dessin, à la cire et à la peinture. Alors que Dubuffet le découvre et collectionne ses poupées, Nedjar rencontre l’art brut : enthousiaste, il se met à rechercher lui-même de nouveaux créateurs, à réunir leurs œuvres et co-fonde - avec Madeleine Lommel et Claire Teller - L’Aracine. Ainsi, Nedjar entre doublement dans l’histoire de l’art, en tant que découvreur d’art brut et, surtout, en tant qu’artiste. Roger Cardinal lui consacre un article de fond dans les Fascicules de l’Art Brut et plus d’une vingtaine de ses travaux rejoignent les collections du Musée national d’art moderne grâce à la donation Cordier.
Il est l’artiste brut - même s’il n’appartient plus vraiment à cette catégorie - qui fut le plus exposé à travers le monde ces 30 dernières années et son travail a fait l’objet d’un grand nombre de publications internationales.
Le musée d’art et d’histoire du judaïsme (mahJ) lui a consacré une exposition en 2016 et le LaM (Lille Métropole Musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut), une rétrospective en 2017. La donation de la collection L’Aracine en 1999 a permis de créer le premier musée d’art brut en France au LaM, à Villeneuve d’Ascq.

Préface : Philippe Godin
Avant-propos : Christian Berst.
Publié à l’occasion de l’exposition Michel Nedjar : crossroads, du 16 mars au 22 avril 2017.