José Gabriel Mendoza Alvarado
José Gabriel Mendoza (1936-2010), comptait parmi les derniers patients dont l’illustre psychiatre péruvien Honorio Delgado a collectionné les œuvres dans les années 1960. Originaire de la région de Callao (Pérou), cet aîné d’une fratrie de huit enfants, une fois obtenu son diplôme de comptable, manifesta dès ses 19 ans des signes d’une schizophrénie aiguë qui le conduisit à l’internement pour le restant de ses jours. Et c’est là que le miracle se produisit. Dans la réclusion protectrice de l’asile, encouragé par un Professeur Delgado attentif et bienveillant, il se mit alors inlassablement à créer des centaines de gouaches d’un expressionnisme fiévreux et exalté.
Ce qui frappe de prime abord, c’est le flamboiement des couleurs dans lequel les corps et leurs auras paraissent comme mêlés. Puis, de-ci de-là, quelque chose vient s’interposer, un arbre, une croix, un buisson ardent, une ombre, une béance. Mais ça n’est pas un décor, un indice tout au plus ; un état d’âme peut-être.
Tandis que les présences sont attestées avec autorité, elles semblent simultanément sur le départ, proches de la dilution.
Si le puissant lyrisme de Mendoza est plus insaisissable que celui d’un Nolde et moins narratif que celui d’un Ensor, c’est probablement parce qu’il n’a pas pour projet d’ébranler la société de son temps. Ces œuvres relèvent davantage de la trace d’un soliloque tourmenté. Ses émois restant fardés comme des apparitions, palpitant et convulsant dans des teintes irréelles.
C’est ainsi que José Gabriel Mendoza nous offre le lexique embrasé de sa psyché. C’est ainsi que, du silence habité d’où il nous parle, il nous invite à dépasser sa déploration afin de réaffirmer que l’art est un puissant onguent qui panse toutes les plaies. C’est ainsi que se forme la parole du réprouvé, de l’insulaire, du muet. Cette précieuse «Palabra del mudo» (La parole du muet) à qui l’écrivain péruvien Julio Ramon Ribeyro prêtait sa plume dans un recueil de contes paru en 1972.