Sylvain Fusco
Les peintures qu’effectua Fusco constituaient sans doute, pour cet homme devenu mutique, le bris du silence par « un grandiose monologue muet » (Dr Requet). A la manière d’un cri sourd, en quelques mois, il peint la majeure partie de son œuvre : la femme, au regard énigmatique, y est triomphante.
Issu d’une famille d’artisans, Fusco est très tôt initié par son père à la sculpture sur bois et, dès l’âge de treize ans, employé pour des travaux d’ébénisterie et de menuiserie. Conjointement, il effectue quelques dessins et peintures et fréquente les Beaux-Arts de Lyon. Ces activités vont être brutalement interrompues à ses dix-huit ans: il commet un crime passionnel qui le conduit, pour une durée de deux ans, en prison. A sa sortie, Fusco effectue son service militaire dans le Sud algérien où il est victime d’injustices. Ces différentes épreuves le plongent dans un mutisme tel qu’il est réformé, rentre dans sa famille laquelle, désemparée face à son comportement, le fait interner à l’asile de Bron.
Cinq ans durant, Fusco reste passif et improductif jusqu’à ce qu’en 1935 il trace de timides graffiti sur le mur au-dessus de son lit. Progressivement, sa production croît et ce sont bientôt d’énormes sexes féminins qu’il peint, auxquels succèdent des personnages, féminins eux-aussi. Le blanc, le noir, le rouge, le vert et le violet (qu’il confectionne lui-même avec les pierres qu’il trouve en grattant le sol ou des feuilles d’arbres) sont ses couleurs de prédilection. En 1938, Fusco accepte de peindre avec du matériel que lui propose le Dr André Requet et, en quelques mois, il recouvre plus d’une centaine de feuilles recto-verso. Les femmes, aux formes avantageuses, parfois nues, y sont plus que jamais majestueuses. Cette créativité sera l’occasion de redonner la parole à Fusco : à propos d’une de ses œuvres, il dit au Dr Requet : ”C’est joli, ça”. Fusco sera victime des restrictions alimentaires imposées dans les asiles après la défaite : il meurt de faim le 29 décembre 1940.
Son œuvre, devenu un classique de l’art brut, dont la majeure partie est conservée à la Collection de l’Art brut à Lausanne, figure aussi au Musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut de Lille-Métropole.