José Manuel Egea
Lycanthropos
José Manuel Egea, né en 1988 à Madrid, est fasciné depuis son enfance par la figure du lycanthrope, ou loup-garou. Non seulement est-il convaincu d’en être un lui-même, mais il paraît vouloir nous révéler, par ses oeuvres, que ce double monstrueux sommeille chez beaucoup d’entre nous, pour ne pas dire chez tous.
Pour ce faire, il a développé une riche palette de représentations de cet « autre » que chacun recèle : cela va du dessin aux interventions sur des portraits photographiques tirés de magazines ou de livres d’art, en passant par la sculpture et les performances lors desquelles il « joue » sa transformation. Cette créature mythologique est évidemment le symbole d’une trouble dualité, mais elle incarne dans le même temps une grande puissance, mystérieuse, et capable d’exercer un ascendant sur l’homme, de lui inspirer de la peur. Alors quoi de mieux, pour l’exorciser, que de jouer avec cette peur, de vouloir devenir la peur elle-même et se sentir investi de sa force ?
Il n’est pas anodin qu’Egea fasse surgir cette part d’ombre de préférence à partir d’images imprimées sur papier glacé qui n’avaient pour seule vocation que de nous séduire. Il y convoque notre bestialité, faite de silhouettes fuligineuses et menaçantes, d’yeux énucléés, de pilosité triomphante et d’attributs lupins. Et c’est le basculement de l’autre côté du miroir. Cet iconoclasme peut aller jusqu’à la scission de la page, nette, comme pour accentuer la fracture entre deux mondes ; parfois même, c’est le recouvrement complet de la feuille, d’où l’on devine alors à peine, vaincue dans la noirceur, la beauté factice que ces images nous imposaient.
José Manuel Egea s’adonne à un jeu libérateur puisque, tout en malmenant notre humanité, en s’émancipant de la norme, il nous révèle les grandeurs de l’altérité dans un geste artistique pur et sans retenue.
Convaincu de sa lycanthropie (croyance selon laquelle la métamorphose d’un homme en loup serait possible), ce jeune artiste madrilène est
fasciné par la métamorphose kafkaïenne présente dans l’univers du comics et de la mythologie. Son œuvre, lui aussi polymorphe, constitué de
dessins, sculptures et performances, nous exhorte à accepter notre thérianthropie (transformation d’un être humain en animal) refoulée. Défendu par la galerie depuis 2016, il a fait l’objet, la même année, d’une vaste présentation lors de la Biennale de l’Image possible, à Liège. En 2022, ses œuvres étaient présentées dans l’exposition Photo | Brut #2 au Botanique à Bruxelles. Il est aujourd’hui présent dans de grandes collections européennes, comme celles d’Antoine de Galbert ou de Laurent Dumas.