Zdeněk Košek
dominus mundi
Du Palais de Tokyo à la Maison rouge, en passant par le DOX de Prague et les Rencontres d’Arles, les visiteurs ont pu découvrir les cryptogrammes poétiques de cette figure contemporaine majeure de l’art brut, mais c’est la toute première fois qu’un ensemble d’une cinquantaine de ses œuvres est proposé dans une galerie. Un catalogue bilingue (fr/en) de 200 pages avec des textes de Barbara Safarova, Jaromir Typlt et Manuel Anceau est publié à cette occasion.
Zdeněk Košek (1949-2015) – typographe et caricaturiste tchèque ayant sombré dans la psychose à la cinquantaine - se voyait comme une sorte de centrale recevant et émettant sans cesse des multitudes d’informations. Il passait ainsi ses journées derrière la fenêtre de son HLM, notant tout - direction des vents, ballet des nuages, changements de température, bruissements furtifs, bribes de conversation avec les oiseaux et les insectes…
Tout était signe, pour lui, et ses cartographies, ses diagrammes, ses petits schémas nébuleux rythmaient ses journées, rendant compte d’un équilibre fragile dans lequel les gentils, les oiseaux et la nature étaient sans cesse menacés de désolation. Douloureusement, Košek se soumettait à ce rituel immuable pour empêcher un chaos irréversible.
Condamné à cette mancie, il faisait grouiller, au bord de la feuille, des amas de noyaux, de chiffres et de mots agencés comme des constellations. Tandis que des flèches et des pointillés en soulignaient les liens et que des cellules se mettaient à vibrionner dans cette soupe primordiale. C’est donc ainsi - à travers l’observation attentive des phénomènes naturels – que Košek déployait sa grammaire organique, créant un ordre capable de déjouer le destin et d’empêcher nos malheurs.
« J’étais le maître du monde, j’avais l’énorme responsabilité de résoudre tous les problèmes de l’humanité. Si je ne les résolvais pas, qui d’autre le ferait ? ».
Typographe de formation, Košek devient tout d’abord un artiste assez conventionnel. Lorsqu’il sombre dans la psychose, il se met à produire des œuvres aussi radicales que poétiques. Persuadé qu’il joue un rôle déterminant dans l’ordonnancement du monde, il passe son temps à sa fenêtre, à consigner ses observations – météorologie, vols des oiseaux, faits insignifiants – et à les agréger en diagrammes censés conjurer le chaos. Depuis quinze ans, du Palais de Tokyo à la Maison Rouge, au MONA (Australie) en passant par le DOX de Prague et Les Rencontres d’Arles, ses cartographies sibyllines ne cessent d’interroger à travers le monde.
Textes : Barbara Safarova, Jaromír Typlt, Manuel Anceau
Avant-propos : Christian Berst
Publié à l’occasion de l’exposition zdeněk košek : dominus mundi, du 3 septembre au 10 octobre 2020.