Josef Karl Rädler :
la clé des champs
Voilà plus d’un siècle, Josef Karl Rädler (1844-1917) produisit, dans l’asile psychiatrique autrichien où il finira ses jours, un œuvre considérable dont l’essentiel figure désormais dans de rares collections. À Pompidou, plusieurs de ses travaux sont ainsi allés rejoindre les œuvres de la même époque des maîtres de l’art moderne comme Klee ou Kandinsky. Ses saynètes évoquant pour la plupart la vie asilaire ont été sauvées au milieu des années 60 par une infirmière. Le célèbre psychiatre Leo Navratil lui consacrera une monographie en 1994, élevant ainsi le « philosophe riant » - tel que Rädler se désignait lui-même - au rang de classique de l’art brut.
Il s’en fallut pourtant de peu pour que tout ce corpus ne soit détruit. C’est à une infirmière, au milieu des années 60, que l’on doit non seulement le sauvetage miraculeux, mais également d’avoir permis au célèbre psychiatre Leo Navratil d’en prendre connaissance. Au point que ce dernier, « fasciné », finira, en 1994, par favoriser l’entrée de plusieurs centaines d’œuvres au Musée national de Basse-Autriche, en même temps qu’il consacrera une importante monographie à l’artiste. Le « philosophe riant » - tel que Rädler se désignait lui-même. – fut ainsi élevé au rang de classique de l’art brut.
Pourtant, beaucoup de zones d’ombre demeurent quant aux raisons qui ont conduit ce peintre sur porcelaine prospère à finir le dernier quart de sa vie dans des asiles. Dans son dossier médical, il est tantôt question de psychose, tantôt de démence.
L’autoproclamé « peintre de la cour d’Autriche, de Siam et d’Italie », l’« apôtre de l’humanité », le pacifiste engagé, le végétarien prosélyte, celui qui rêvait de transformer toutes les églises en musées ou en galeries, n’en a pas moins laissé un témoignage unique de la vie asilaire de son époque. D’une main sûre, couvrant les deux côtés de la feuille, il exécutait ses saynètes avec un souci constant de l’équilibre entre le texte et l’image. Les deux se devant d’être au service de l’édification de ses semblables, enjoints de ne cultiver que « le bon, le noble et le beau ».
D’ailleurs, si l’on devine son penchant allégorique, on note surtout sa remarquable inventivité lorsque, délaissant l’ornement pour l’ornement, il exacerbe les formes, abroge les perspectives, convoque le jour dans la nuit, ou l’inverse, perche des naturistes dans les arbres.
Bien trop transgressif pour tenir dans l’étroit carcan des naïfs, l’art de Rädler est impeccable tant par la perfection des compositions que par l’ivresse des détails et l’harmonie chromatique sans faille.
« Je ne craindrai pas d’avancer l’idée, paradoxale seulement à première vue, que l’art de ceux qu’on range dans la catégorie des malades mentaux constitue un réservoir de santé morale. »
(André Breton, « L’art des fous, la clé des champs », 1948)
Six œuvres de trois artistes anonymes venant de la collection du psychiatre espagnol Gonzalo Rodriguez Lafora (1886-1971) sont également présentées dans le cabinet de curiosités.
Après une carrière prestigieuse dans la peinture sur porcelaine, Rädler en proie à des épisodes délirants, est interné à 49 ans à l’institut Mauer-Ohling, près de Vienne où il produit des centaines d’aquarelles enluminées illustrant sa vie quotidienne à l’hôpital au dos desquelles il écrit des diatribes sur la paix dans le monde ou sur les droits des femmes. Car Rädler se vit comme un grand philosophe, “Peintre de la Cour d’Autriche, d’Italie et de Siam”, “apôtre de l’humanité”. Bien que violent avec le personnel de l’hôpital, il doit à une infirmière le sauvetage de son œuvre, considérée de peu de valeur par les médecins, et au professeur Léo Navratil de l’avoir mise à jour en 1994.
Textes : Céline Delavaux & Ferdinand Altnöder
Avant-propos : Christian Berst
Publié à l’occasion de l’exposition josef karl rädler : la clé des champs, du 3 février au 27 mars 2022.