Josef Karl Radler
Après une carrière prestigieuse dans la peinture sur porcelaine, Rädler en proie à des épisodes délirants, est interné à 49 ans à l’institut Mauer-Ohling, près de Vienne où il produit des centaines d’aquarelles enluminées illustrant sa vie quotidienne à l’hôpital au dos desquelles il écrit des diatribes sur la paix dans le monde ou sur les droits des femmes. Car Rädler se vit comme un grand philosophe, “Peintre de la Cour d’Autriche, d’Italie et de Siam”, “apôtre de l’humanité”. Bien que violent avec le personnel de l’hôpital, il doit à une infirmière le sauvetage de son œuvre, considérée de peu de valeur par les médecins, et au professeur Léo Navratil de l’avoir mise à jour en 1994.
Né en 1844 en Bohême, Josef Rädler fait carrière à Vienne comme peintre sur porcelaine au point de co-fonder la société Rädler & Pilz, réputée dans son domaine partout dans le monde. Il mène une vie sans histoire auprès de sa femme et de ses 4 enfants (4 autres meurent en bas âge) mais manifeste à la quarantaine des poussées délirantes qui le conduisent à des dépenses extravagantes et des poursuites judiciaires. L’année de ses 49 ans, il est hospitalisé dans une institution viennoise puis entre en 1905 à l’hôpital régional Franz Josef de Mauer-Öhling, où il restera jusqu’à sa mort.
Après quelques années d’internement, il commence à peindre à l’aquarelle avec minutie des levers et couchers de soleils ainsi que des oiseaux exotiques à l’intérieur de plusieurs cadres décorés. Il noircit le plus souvent les versos de textes engagés ou de suites de chiffres d’une écriture minuscule, presque illisible, accompagnés parfois de dessins champêtres.
Après son transfert à Mauer-Öhling, les nombreuses activités proposées lui inspirent une gamme de nouveaux sujets liés à son quotidien : portraits de patients, scènes de dortoirs, de promenades et de fêtes de cette “université mondiale”. Il date et signe ses aquarelles des noms de “ Philosophe riant” ou “Peintre de la Cour d’Autriche, d’Italie et de Siam”, persuadé de remplir une mission pacifiste en “apôtre de l’humanité”.
Rädler est un patient difficile, violent avec ses médecins et les soignants, comparant volontiers le traitement subi à l’hôpital avec les tortures de l’inquisition. En 1914 il s’insurge contre le début de la guerre, (« C’est une honte pour toute l’Europe que l’homme doive faire la guerre à l’homme… ») et entend léguer ses tableaux à la Ligue de la paix de La Haye. Il en a été autrement, puisque ses plus de 800 aquarelles, « œuvres sans valeurs » selon les médecins, sont sauvées de justesse par une infirmière dans les années 60, qui les propose au psychiatre Léo Navratil. Fasciné, celui-ci organisera une petite exposition en 1994, assorti d’un catalogue documenté.
Textes : Céline Delavaux & Ferdinand Altnöder
Avant-propos : Christian Berst
Publié à l’occasion de l’exposition josef karl rädler : la clé des champs, du 3 février au 27 mars 2022.