james edward deeds :
the electric pencil #2
Derrière l’œuvre de ce désormais « classique » de l’art brut américain, James Edward Deeds, né en 1908 à Springfield (Missouri), se cache l’histoire tragique d’un jeune Américain interné de force, à l’âge de 25 ans, dans un asile psychiatrique. Il y passera toute sa vie, subissant jusqu’à deux fois par semaine des traitements aux électrochocs, sans anesthésie.
Une existence ravagée dont nous ne saurions rien si Deeds n’avait pas livré son témoignage en dessinant sur les feuilles d’un registre de l’hôpital. Et si, dans les années 70, un adolescent n’avait pas sauvé d’une poubelle ce volume à la reliure de cuir défraîchie. Il faudra attendre 40 ans pour que son contenu soit exposé à New York et fasse l’objet d’un catalogue raisonné. Ces 140 planches recto verso, encore anonymes, eurent immédiatement un grand retentissement, dont le New York Times et Art in America se firent l’écho. Car celui qu’on connaissait alors par son nom de code : Electric Pencil - ainsi baptisé en raison de l’apparition, sur plusieurs dessins, de la mention “Ectlectric (sic) Pencil” - était alors entouré d’un épais mystère, que l’engouement du monde de l’art allait finir par lever. Découvrant finalement que la graphie d’Ectlectric n’était pas une erreur d’orthographe, mais un indice sur le contexte particulier dans lequel les œuvres avaient vu le jour : ECT étant l’acronyme d’ElectroConvulsive Therapy.
Contrastant avec l’extrême délicatesse et la précision du trait, ce tableau de famille quelque peu halluciné surgi du papier, ces yeux exorbités qui nous interrogent, semblent surgir du papier comme pour nous prendre à témoin.
Ces ainsi que ces dessins d’une grande rareté forment la vibrante complainte d’un homme brisé, mais sauvé par sa création, sauvé par ce « regard sincère et grave » évoqué par Gaston Bachelard : « Les choses nous rendent regard pour regard. Elles nous paraissent indifférentes parce que nous les voyons d’un œil indifférent. Mais pour un œil clair, tout est miroir. Pour un regard sincère et grave, tout est profondeur. »
Derrière l’œuvre de James Edward Deeds, né en 1908 à Springfield dans le Missouri, se cache l’histoire tragique d’un jeune homme interné de force à l’âge de 25 ans, sur décision d’un père excessivement autoritaire.
Préface : Philippe Piguet
Avant-propos : Christian Berst
Publié à l’occasion de l’exposition james edward deeds : the electric pencil #2, du 9 septembre au 2 octobre 2022.