japon brut
la lune, le soleil, yamanami
Nous sommes heureux de consacrer notre exposition de rentrée à 9 artistes de l’atelier Yamanami situé dans la préfecture de Shiga au Japon. Leurs œuvres s’affranchissent des standards, des leurs comme des nôtres, et nous révèlent davantage que ce qu’elles paraissent. Comme si nous observions l’éclat de la lune pour finalement y discerner le soleil tapi derrière la chaîne de montagnes (Yamanami en japonais).
L’examen d’un paradoxe est une exquise nourriture pour l’esprit. Et l’art brut n’en est pas avare. Ou du moins est-ce le régime auquel les arpenteurs de ce champ sont accoutumés. Dubuffet avait commencé, en 1949, par inscrire l’exemption de culture artistique au fronton de son temple brut. Tandis qu’il admettra, plus de trois décennies plus tard, « qu’il subsiste toujours des références au conditionnement culturel ». Précisant même que « les manières de s’écarter de l’art culturel sont en nombre infini ».
L’art brut japonais en est un exemple frappant. D’abord parce nous pouvons, nous autres occidentaux, l’observer avec la distance culturelle qui est la nôtre. Et y déceler, donc - au-delà de la mince couche d’exotisme - des caractéristiques propres, en même temps que nous sommes touchés par la part d’universalité que recèlent ces œuvres.
En 2017, l’exposition Komorebi, au Lieu Unique, à Nantes, nous avait fourni l’exemple le plus brillant de cette hétérogénéité harmonique. La dizaine d’artistes que nous avons sélectionnée à l’atelier Yamanami, à Konan – et dont certains ont été présentés à l’Asia Center de l’Université de Harvard au début de l’année – nous permet de goûter, à nouveau, à ce paradoxe saisissant.
Il y a là Kamae et Yoshigawa, qui accouchent dans l’argile de peuplades et de monolithes hiératiques ; Kawai, dont les ombilics brodés nous aspirent dans leur course concentrique ; Miyashita, propageant des mots qui lui sont étrangers comme des insectes sur la feuille ; Morita, aux figures dansantes tels des Giacometti dégingandés ; Oji, dressant des cartographies péninsulaires tout à fait psychédéliques ; Mori et ses processions sérielles et grouillements moléculaires ; Nakagawa, passant de l’ondoiement de fréquences colorées au tamponnage de chiffres dans des halos de café ; Et puis il y a Ukai, sorte de Bosch nippon du XXIe siècle qui serait passé maître dans l’uchronie foisonnante.
Leurs œuvres s’affranchissent des standards, des leurs comme des nôtres. Si nous ne savions rien de leurs auteurs, ni des processus agissants, il se pourrait même que nous les prenions pour l’art le plus contemporain qui soit. Ce ne serait d’ailleurs pas leur faire injure, ce serait simplement réducteur. Comme si, observant l’éclat de la lune, nous n’y voyions que la lune, oubliant le soleil tapi derrière la chaîne de montagnes (Yamanami en japonais).
Préfaces : Yukiko Koide & Raphaël Koenig
Avant-propos : Christian Berst.
Publié à l’occasion de l’exposition Japon Brut : la lune, le soleil, yamanami, du 31 août au 5 octobre 2019.