little venice
aloïse corbaz madge gill leopold strobl anna zemánková
En écho à la 60e Biennale de Venise sur le thème des « étrangers partout », dont le commissaire général est Adriano Pedrosa, nous avons voulu réunir au sein de la galerie le même quatuor d’artistes exceptionnels : Aloïse Corbaz, Madge Gill, Leopold Strobl et Anna Zemánková. L’exposition little venice rassemble plus d’une trentaine d’œuvres dont la plupart sont présentées au public pour la première fois. Cette exposition inédite laisse le génie de ces artistes phares de l’art brut — défendus par la galerie depuis près de 20 ans pour certains — dialoguer en toute intimité.
La 60e Biennale de Venise vient d’ouvrir ses portes sur le thème des « Étrangers partout ». Adriano Pedrosa, le commissaire général, en précise les contours : « L’artiste queer, qui s’est déplacé au sein de différentes sexualités et de différents genres, souvent persécuté ou hors-la-loi ; l’artiste outsider, qui se trouve en marge du monde de l’art, tout comme l’autodidacte et l’artiste dit folklorique ; ainsi que l’artiste indigène, souvent traité comme un étranger dans son propre pays. »
Ici, la notion d’étranger s’apparente à celle de « l’autre », minoritaire mais global, que la société doit non seulement prendre en considération, mais qu’elle a le devoir de protéger et de valoriser. C’est donc principalement selon ces critères qu’ont été sélectionnées des œuvres de ces quatre artistes bruts par ailleurs déjà adoubés par des institutions comme Pompidou ou le MoMA : Anna Zemánková, Madge Gill, Aloïse Corbaz et Leopold Strobl.
L’altérité des deux premières se manifestait, pour l’une, par un rapport quasi mystique à la création et, pour l’autre, par le fait qu’elle attribuait ses productions à l’intervention d’instances spirites. Quant aux deux derniers, leurs productions infèrent plutôt à des troubles psychiques d’une exceptionnelle fécondité.
Cependant, à la différence des autres typologies « d’étrangers » mis en lumière dans cette Biennale, l’artiste brut ne se définit pas lui-même en raison d’une appartenance ou d’une exclusion. Pas plus qu’il ne se revendique comme membre d’une communauté d’artistes prétendument « outsiders ». Son individualité, sa singularité, l’emporte toujours sur le collectif. En ce sens, il ne créé pas à proprement parler pour s’insurger d’un ostracisme qu’il subirait, mais il bâtit, à la force de son imaginaire, un monde qui lui ressemble.
Indissociablement.
Or, « il existe un point de l’esprit d’où (…) le réel et l’imaginaire (…) cesseront d’être perçus contradictoirement » écrivait André Breton dans le Manifeste du Surréalisme. Et c’est précisément là que se tiennent les artistes bruts. Là où leur différence incandescente fait entrer en fusion le réel et l’imaginaire.
catalogue publié à l’occasion de l’exposition
little venice
artistes exposés : aloïse corbaz, madge gill, leopold strobl, anna zemánková
du 18 mai au 15 juin 2024
avant-propos : christian berst
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