Madge Gill
Artiste médiumnique du milieu du XX ème siècle, collectionnée par Jean Dubuffet, ce n’est qu’après sa mort, que l’ensemble de son oeuvre a été découvert. C’est guidée par un esprit et en état de transe que Madge Gill dessinait à l’encre sur des supports du plus petit format au rouleau de plus de cent mètres. Aujourd’hui considérée comme une figure incontournable de l’art médiumnique, on trouve ses oeuvres dans les plus grandes collections européennes et nord-américaines : American Folk Art Museum (New York, Etats-Unis), the Museum of Everything (Royaume-Uni), collection Arnulf Rainer (Autriche), Damman (Suisse), abcd/Bruno Decharme (France)…
Les dessins que Madge Gill effectuent dans la pénombre de sa mansarde représentent inlassablement une figure féminine, toujours semblable, magnifiée, somptueusement vêtue, qui évolue dans un monde irréel à l’architecture grandiose et labyrinthique, improbable. L’espace-temps semble aboli, comme suspendu, et pourtant, une vie insistante anime avec force l’encre noire, transcende le papier, le tissu, nous conte une histoire.
Enfant illégitime, Madge Gill, née en 1882 à Londres, est d’abord cachée par sa mère et sa tante, puis placée dans un orphelinat à l’âge de neuf ans. Envoyée au Canada pour travailler dans une ferme, elle rentre en Grande Bretagne à dix-neuf ans, devient infirmière, épouse son cousin dont elle a trois fils. Le second décède et l’année suivante, en 1919, elle accouche d’une petite fille morte-née. Ces épreuves plongent Gill dans une longue maladie qui lui fait perdre l’usage de son œil gauche. Alors que sa tante l’initie au spiritisme, elle s’adonne à la peinture.
Travaillant très rapidement, des nuits entières, à la bougie, dans un état voisin de la transe, cette femme hypersensible et réservée refuse de vendre ses œuvres qui appartiennent selon elle à son esprit guide Myrninerest (my innerest, “mon plus intime”). Ses dessins vont du calicot pouvant atteindre plusieurs dizaines de mètres à la carte postale en passant par des formats intermédiaires, le tout travaillé à la plume et à l’encre noire avec quelques rares écarts de couleur.
Ce n’est qu’après sa mort, en 1961, qu’on trouve chez elle des centaines de dessins empilés dans des placards ou sous les lits. Figure incontournable de l’art brut qui fascina Jean Dubuffet, Roger Cardinal, Michel Thévoz et tant d’autres, l’œuvre magistrale de Madge Gill est représentée dans les plus importantes collections d’art brut au monde.

Texte : Raphaël Koenig
Avant-propos : Christian Berst
Publié à l’occasion de l’exposition in abstracto #3, du 9 février au 19 mars 2023.