Madge Gill
Collectionnées par Jean Dubuffet, les œuvres de Madge Gill, artiste médiumnique du milieu du XXème siècle, ont été réalisées en état de transe. Guidée par un eprit, Madge Gill dessinait à l’encre sur des supports allant du plus petit format au rouleau de plus de cent mètres. L’ensemble de son œuvre n’a été découvert qu’après sa mort en 1961. Aujourd’hui considérée comme une figure incontournable de l’art brut, on retrouve ses œuvres dans les plus grandes collections européennes et nord-américaines : American Folk Art Museum (New York, Etats-Unis), the Museum of Everything (Royaume-Uni), collection Arnulf Rainer (Autriche), Damman (Suisse), Treger Saint Silvestre (Portugal), etc. En 2024, ses œuvres sont présentées à la Biennale de Venise sous le commissariat d’Adriano Pedrosa.
Les dessins que Madge Gill imaginent dans la pénombre de sa mansarde représentent inlassablement la même figure féminine. Magnifiée, somptueusement vêtue, elle évolue dans un monde irréel à l’architecture grandiose et labyrinthique. L’espace-temps semble aboli, comme suspendu, et pourtant, une vie insistante anime avec force l’encre noire, transcende le papier ou le tissu.
Enfant illégitime, Madge Gill née en 1882 à Londres, est d’abord cachée par sa mère et sa tante, puis placée dans un orphelinat à l’âge de neuf ans. Envoyée au Canada pour travailler dans une ferme, elle rentre en Grande-Bretagne à dix-neuf ans, devient infirmière et épouse son cousin dont elle a trois fils. Son deuxième enfant décède et l’année suivante, en 1919, elle accouche d’une petite fille morte-née. Ces épreuves plongent Gill dans une longue maladie qui lui fait perdre l’usage de son œil gauche. Alors que sa tante l’initie au spiritisme, elle s’adonne alors à la peinture.
Travaillant frénétiquement, des nuits entières, à la bougie, dans un état voisin de la transe, cette femme hypersensible et réservée refuse de vendre ses œuvres qui appartiennent selon elle à son esprit guide Myrninerest (my innerest, “mon plus intime”). Ses dessins vont du calicot pouvant atteindre plusieurs dizaines de mètres à la carte postale en passant par des formats intermédiaires, ils sont travaillés à la plume et à l’encre noire avec quelques rares écarts de couleur.
Ce n’est qu’après sa mort, en 1961, qu’on trouve chez elle des centaines de dessins empilés dans des placards ou sous les lits. Figure incontournable de l’art brut qui fascina Jean Dubuffet, Roger Cardinal, Michel Thévoz et tant d’autres, l’œuvre magistral de Madge Gill est représenté dans les plus importantes collections d’art brut au monde.
Texte : Raphaël Koenig
Avant-propos : Christian Berst
Publié à l’occasion de l’exposition in abstracto #3, du 9 février au 19 mars 2023.
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