Davood Koochaki
Ancien mécanicien devenu dessinateur tardif, Davood Koochaki peuple ses compositions de figures énigmatiques et hybrides, témoins d’un passé hanté et d’une imagination foisonnante. Ses dessins, marqués par une technique de hachure croisée, oscillent entre dévoilement et mystère, révélant une œuvre brute, viscérale et profondément habitée. Cet artiste à l’univers troublant et fascinant, a vu son œuvre rejoindre en 2021 les collections du Musée national d’art moderne (Centre Pompidou), consacrant ainsi un parcours aussi singulier qu’émouvant.
Davood Koochaki, est né en 1939 à Rasht, au nord-ouest de l’Iran, non loin de la mer Caspienne que des légendes millénaires tenaces disent peuplée d’êtres hybrides. Dès l’âge de 7 ans, il doit récolter le riz plutôt que d’aller à l’école puis, adolescent, part tenter sa chance à Téhéran, où il mènera en quelque sorte une double vie. Mécanicien automobile le jour - il finira par ouvrir son propre garage -, la nuit il s’adonne à une existence dissolue, boit à outrance et, bien qu’étant illettré, fréquente des intellectuels et ne se cache pas, aussi bien avant qu’après la révolution islamique, de ses sympathies gauchistes.
Celui qui se mariera et deviendra père de quatre enfants est décrit par ses proches comme une personnalité complexe, d’une franchise et d’une obstination désarmantes. Ce n’est qu’à l’âge de 40 ans qu’il se met subitement à dessiner ses personnages énigmatiques dont il affine au fil du temps la technique, proche de la hachure croisée, tout en en augmentant les formats. C’est comme si, soudain, il se libérait des fantômes de son passé. Démoniaques, difformes, chimériques, tous paraissent voilés, tandis que seul un regard, un rictus et, plus souvent un sexe les rendent tangibles, incarnés, dévoilés. « J’essaie pourtant de dessiner à la perfection, mais voici ce qui en sort » admet-il, perplexe. Ses œuvres qui lui ont attiré beaucoup de railleries, ne manquent pas d’évoquer « ces floraisons de haut enfièvrement, totalement et intensément vécues par leurs auteurs », ainsi qu’aurait pu les décrire Dubuffet. Au point qu’il faille, comme dans un conte persan, en voiler un peu le sens pour ne pas mettre l’âme à nu.

Avant-propos : Christian Berst
Publié à l’occasion de l’exposition Davood Koochaki : undercover à christian berst art brut, New York, du 9 septembre au 4 octobre 2015.