Raimundo Camilo
En réminiscence de ses difficultés financières passées, Raimundo Camilo, modeste travailleur brésilien qui était interné en hôpital psychiatrique, s’est mis à dessiner des billets de banque imaginaires. Faits de matériaux de fortune, papiers d’emballage et imprimés de l’administration il les offrait au personnel de l’hôpital et notamment aux femmes. L’artiste qui affirmait ne pas faire de l’art, mais simplement « son travail » est aujourd’hui dans les collection du Musée national d’Art moderne (Pompidou), du LaM (France), du musée Bispo do Rosario mais aussi dans la collection privée de l’artiste Arnulf Rainer (Autriche).
Né dans l’État du Ceara, dans le Nordeste du Brésil, en 1939 ou 1943, selon les sources, Raimundo Camilo quitte sa région très jeune pour aller travailler à Rio. Des « travaux d’esclave » comme l’on dit là-bas, dans le bâtiment, dans les cuisines, etc. C’est au cours d’une de ces expériences que se produit la rupture : n’ayant pas été payé par l’un de ses employeurs, il connaît une période d’errance, sans ressource, dans les rues de Rio, qui le mène en 1964 à l’hôpital psychiatrique Colonia Juliano Moreira, qu’il ne quitte alors plus.
Il y côtoie un patient qui deviendra la figure de proue de l’art brut brésilien, Arturo Bispo do Rosario ; réminiscence de ses difficultés passées, Raimundo se met à dessiner ses propres billets de banque, à genoux devant son lit, avec des matériaux de fortune, papiers d’emballage, imprimés de l’administration, et en fabriquant d’abord lui-même ses couleurs, avec du café par exemple. La tête qui figure sur le recto représente, selon lui, tantôt un roi, tantôt un bandit en chef, un cangaceiro. Raimundo offre volontiers des billets aux membres du personnel de l’hôpital qu’il apprécie, notamment aux femmes. Il affirme ne pas faire de l’art, mais simplement « son travail ».
Depuis quelques années, les autorités culturelles brésiliennes ont pris conscience de l’importance de ses créations ; plusieurs expositions et un catalogue lui ont été consacrés. Entré récemment dans la collection de Lille Métropole, Musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut, il a été présenté pour la première fois en Europe par la galerie « objet trouvé » de Christian Berst en 2008, et en 2009 au Salon du dessin contemporain (Paris).
Préface : Stéphane Corréard
Avant-propos : Christian Berst.
Publié à l’occasion de l’exposition Soit 10 ans : états intérieurs, du 12 septembre au 10 octobre 2015.