John Ricardo Cunningham
John Ricardo Cunningham est l’un des derniers patients à avoir été collectionné par le célèbre psychiatre Honorio Delgado à Lima. Interné pendant 32 ans il a entrepris une sorte de cartographie géopolitique du monde où les instances de pouvoir deviennent, par métaphore, des hommes coiffés et austères, des oiseaux aux ailes battantes ou des rats tenant des cannes… Ses gouaches narratives mais elliptiques semblent nous prendre à témoin sur l’état du monde. Présenté pour la première fois en 2018 par la galerie, son oeuvre est déjà présente dans la Pinacothèque d’Hervé Lancelin au Luxembourg ou dans la collection Treger Saint-Silvestre au Portugal.
John Ricardo Cunningham est né le 7 février 1918. Son père, originaire d’Ecosse était un marin marchand qui rencontra sa mère au Pérou en 1910 et avec qui il aura quatre enfants. Ricardo est le second d’une fratrie qui vit au port de Cerro Azul, à 125 km au sud de Lima où John Cunningham père dirige une société britannique liée au commerce du sucre. Mais à la mort de leur mère, les enfants sont confiés à leur tante qui vit dans une demeure bourgeoise du quartier historique de Lima, alors que leur père retourne en Angleterre. Les deux fils de la famille sont envoyés dans une école religieuse prestigieuse où John Ricardo semble avoir fait ses preuves. Son goût pour le dessin remonterait à cette époque, tandis qu’il s’implique également dans l’organisation de manifestations sportives.
Mais à l’âge de 19 ans le jeune homme commence à souffrir de dépression, liée notamment à la disparition de sa mère. Il poursuit un temps ses études avant qu’il ne soit diagnostiqué schizophrène, puis interné à l’âge de 28 ans. Sa sœur aînée, ayant fait sa vie loin de Lima ; c’est donc son frère David, de 18 mois son cadet, qui prend soin de lui puis devient son tuteur à la mort de leur tante.
À l’hôpital Victor-Larco Herrera (Lima), sa condition sociale privilégiée lui permet de bénéficier d’une chambre individuelle dont le coût est assumé par sa famille. Il y reste la majeure partie de sa vie et n’en sort finalement qu’à 60 ans, à la suite d’une fracture de la hanche qui handicapera sa marche jusqu’à la fin de ses jours. Sa sœur l’accueille alors quelques temps chez elle, puis, nécessitant une assistance permanente, il est placé dans un institut religieux pour personnes âgées où il s’éteint en 1991, à l’âge de 73 ans.
John Ricardo Cunningham - dont la famille a conservé pieusement un ensemble significatif d’oeuvres - est le dernier patient qui ait travaillé avec le célèbre Pr. Honorio Delgado avant que ce dernier ne décède en 1969.
Avant-propos : Christian Berst.
Publié à l’occasion de l’exposition John Ricardo Cunningham : otro mundo, du 27 janvier au 24 février 2018.