Jesuys Crystiano
Jesuys Crystiano a passé sa vie d’adulte à vagabonder dans les rues d’Ilheus (Bahia) jusqu’en 2010, quand un hôtelier allemand - qui avait remarqué ses dessins muraux – l’héberge et lui fournit du matériel pour coucher sur le papier ses univers surréalistes. Les 4 dernières années de sa vie, Jesuys a ainsi pu produire des centaines de dessins, peuplés de vautours, de chaises et tables renversées, de personnages aux visages imbriqués, tracés au crayon de couleur et au charbon, souvent rehaussés de collages et d’annotations. Cet artiste a fait partie en 2022 d’une importante exposition au musée de Gugging en Autriche présentant la collection d’art brut Treger Saint-Silvestre (Portugal).
La biographie de Jesuys Crystiano est lacunaire. Il serait né en 1950 et aurait grandi à Buerarema, dans l’État de Bahia, puis passé sa jeunesse à Rio de Janeiro. Mais c’est dans les rues d’Ilheus (Bahia) qu’en 2010, Thilo Scheuermann, un hôtelier d’origine allemande remarques les dessins muraux dont cet artiste vagabond couvre les bâtiments abandonnés. Maigre, en haillon, alcoolique, Crystiano vit alors sous un escalier et ne survit que grâce aux dons de vêtements et de nourriture du voisinage. Lorsqu’en 2011, on le retrouve dans un fossé sévèrement blessé, l’hôtelier propose alors de l’héberger dans l’une de ses chambres - où Crystiano finira ses jours 4 ans plus tard – le nourrit et lui propose du matériel pour dessiner. Jesuys produit alors des centaines de dessins au crayon et au charbon, sur lesquels il colle volontiers toutes sortes d’illustrations récupérés. Ses univers surréalistes sont peuplés d’avions, de vautours couronnés, poissons, parapluies, footballers, chaises et tables renversées, ainsi que de troncs d’arbres déracinés. L’artiste schizophrène ne se contentait pas de retourner les motifs de ses tableaux, il renversait aussi les tables et les chaises, arrachait les fleurs du jardin de l’hôtel pour les planter de telle sorte que leurs racines s’élèvent vers le ciel, quand il ne volait pas les jouets des enfants pour les enterrer. “Il avait certainement été abusé dans son enfance, ce qui avait entraîné une énorme perte de confiance”, suppose Thilo Scheuermann avec le recul.
Textes : Thilo Scheuermann, Manuel Anceau
Avant-propos : Christian Berst
Publié à l’occasion de l’exposition jesuys crystiano : a contrario, du 8 juin au 17 juillet 2022.