Yes or notes
commissaire Charlélie Couture
Chanteur, compositeur, écrivain et artiste franco-américain, CharlElie Couture s’inscrit dans le courant « multiste » dont il est l’un des fondateurs. Son œuvre est un voyage conceptuel autour de la question de l’Existence, ou « comment se définir entre le conscient identifié et l’émotionnel inconscient ». Pour the bridge by christian berst, CharlElie Couture montre un ensemble de ses œuvres, ainsi que des tapuscrits annotés de ses titres les plus célèbres, en dialogue avec des artistes qui, comme lui, ressentent une pulsion créatrice, un besoin irrépressible « brut », construisant ainsi un pont entre art brut, arts visuels et musique.
” Toute forme de création naît d’une impulsion, un besoin irrépressible, une intention « brute » qu’on ressent comme un devoir, celui de transformer une abstraction intuitive en quelque chose à partager.
On sait juste qu’on doit laisser sortir cette force, sinon, on explose.
Cette « ex-pression », irrépressible est comme une boule d’énergie. Elle nous émeut sans forcément la « comprendre ».
C’est cette pression venue de l’intérieur qu’on appelle parfois « l’Inspiration ».
Qu’il s’agisse d’écriture, d’art visuel ou de musique, qu’il s’agisse d’un théorème, d’un plan d’urbanisme ou d’un jeu vidéo, la création se fait souvent par étapes.
À l’image d’une érosion s’attaquant au rocher, petit à petit, avec le temps, une idée mature, décante, se distille ou s’affine comme l’eau arrondit un galet.
Mais les idées ne viennent pas toujours en une fois. Alors à l’inverse, la création se fait comme un dépôt de sédiments, par addition.
Les humeurs sont passagères, si l’on craint de les perdre il faut oser l’impatience. Agir vite. Se jeter. Écouter ses « caprices » frémissants comme les rides sur l’eau. Un frisson subtile et transparent. Ne surtout pas remettre à plus tard ce qui risque de faner si l’on se prend à y réfléchir.
Souvent le sens ne vient qu’avec le recul et une certaine distance.
Oui la création est une danse, un mouvement en approche. Pas à pas, comme un félin qui avance dans la savane vers une proie qu’il devine. Il la sent, sans la voir.
Un créateur est alléché par l’envie, cette envie de plaisir. Cette joie exaltée que procure l’acte de créer, celui de l’invention qui nous transforme en démiurge, ce geste incandescent à la jonction entre l’inconscient infini et le conscient précis.
On est certain, Yes.
Certain qu’il faut « Faire ».
Dans l’absolu, absolument.
Faire, pour le plaisir de faire.
Faire dans l’instant.
Faire avant que ça ne s’efface.
Faire dans le rêve de se parfaire.
Artiste vorace, gourmand de se voir interpréter le réel, avec une certaine idée indéfinie de ce qu’on cherche, cette œuvre qui se cache entre les herbes sèches de notre savane mentale.
Comme une œuvre qui prend souvent racine au croisement des univers publics et privés, une chanson est une fusion, un mélange.
L’encre s’efface au soleil, le papier jaunit ou s’étiole… Sans parler des concepts mixtes qui ne durent que le temps d’un été, un amour, un chagrin, d’une jeunesse aventureuse, entre « repentirs » et pensées fugaces, les chansons ne restent jamais « for ever ».
Si un poème parle tout seul, une chanson est une rencontre.
Une chanson est un muret édifié avec les mots en pierre et les harmonies qui les cimentent. Les mots, leurs sons, leurs sens, et puis la mélodie qui les accole les uns aux autres pour leur donner parfois même un « autre » sens…
Yes or not,
Not on the note.
Prises de notes sur des carnets, carnets de notes, sur des feuilles déchirées, des nappes en papiers des photocopies, des formulaires de déclaration sacem ou que sais-je.
Quand on crée on s’auto-persuade, on se veut sûr de soi, du moins certain qu’on DOIT agir. Sûr et solide, comme du métal, sûr comme du fer.
Et puis on se remet en question… envahi par le doute.
Douter de tout, de tous, de toutes,
Douter de soi, douter du monde.
Couper, coller, ruban adhésif, griffonnage, gribouillages,
Fléchage, Mixage, corrections,
Tous les coups sont permis.
Il n’est plus question d’avoir raison.
La beauté n’est pas toujours une évidence.
Certes elle est parfois «brutale » comme une nécessité, mais d’autres fois c’est un murmure subtil, à peine visible comme un nuage, une brume, tapie dans l’ombre de nos cerveaux reptiliens, seulement accessible en empruntant des sentiers cachés, en dehors des cartes. La beauté est susceptible, versatile ou fantaisiste, elle se laisse rarement approcher par les voies les plus directes.
Yes or Notes ?
Dans les spires de la création, dans les sphères de l’Art, on se trouve avoir raison souvent quand on se laisse aller à la perdre.
Je remercie la galerie Christian Berst de me donner l’occasion à travers ce « dialogue » Yes or NOTES, de faire partager l’approche lente de mes écritures coupées/collées réalisées dans les années 80, en parallèle d’une sélection d’œuvres d’Art inventées dans les extrêmes recoins de cet ART BRUT passionnant dont la galerie défend les valeurs.
J’ai composé ces duos comme des notes juxtaposées, à la tierce, à la quarte, à la quinte, majeures, mineures, en harmonie/dysharmonie, associations modales ou polyphoniques, aléatoires ou sérielles, en dissonance ou en résonnance « dé-raisonnable ». “
CharlElie COUTURE
Texte : CharlElie Couture
Publié à l’occasion de l’exposition yes or notes, commissaire : charlElie couture, du 9 avril au 13 juin 2021.
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