do the write thing
#4
Que se trame-t-il donc « dans l’intervalle du lisible et du visible » - comme le désigne Michel Thévoz – ou dans ce que Dubuffet appelait les « langages implicites » ?
Que se passe-t-il quand le sens se dérobe sous la profusion des signes ? Quand, écrivant du dessin ou dessinant de l’écrit, il n’est plus question que de dire, par tous les moyens à sa disposition. Au risque que ce métalangage ne traverse le ciel sans toucher aucune cible. À moins, à moins que l’un de nous ne passe par là, prêt à s’émouvoir de ce soliloque, prêt à comprendre - littéralement à prendre en soi - ce déferlement sémantique qui s’apparente à la « pulsion babélienne ». Et celui-là deviendrait de facto le destinataire providentiel de ce sibyllin déferlement, non pas comme un cryptographe hors pair, mais comme quelqu’un qui retrouverait en lui toutes les potentialités de l’expression. Capable aussi bien de ressentir le pouvoir évocateur de l’idéogramme - image et texte indissociés - comme aux temps immémoriaux, ou de se délecter des divagations où la science et la poésie vont l’amble. Voire d’éprouver la petite musique des graphorrhées qui se déploient comme des mantras.
Le rythme et la composition, dans une tension constante, semblent vouloir y révéler un sens nouveau, primal, comme un cri. D’ailleurs, comme l’on parle d’éclats de voix, ne devrait-on pas parler d’éclats de signes ? Ainsi, toute glossographie ne nous apparaîtrait plus comme l’incapacité à maîtriser les codes du langage, mais comme une manière
de les dépasser, de les reformuler.
Ce qui frappe alors dans ces palimpsestes, ces chiffrements magiques, ces mots sédimentés, ces itérations hypnotiques, ces vocables secrets, ces écritures asémiques, c’est la formidable plasticité d’une langue primordiale qui contiendrait toutes les autres. Comme l’écrit Jean-Marie Gallais, « les signifiants finissent par se détacher du signifié, et deviennent une musique pour les yeux ».
Ce quatrième volet de Do The Write Thing conclut ainsi ce premier cycle consacré au graphein. Ce mot grec signifiant « faire des entailles » et évoquant ce moment où l’humanité inventait le monde en gravant des signes à la surface des choses.
Un catalogue (FR/EN) de 230 pages est publié, en guise de panorama complet des artistes présentés lors des 4 éditions de Do The Write Thing, le tout accompagné de textes de Eric Dussert, Jean-Marie Gallais, Michel Thévoz et Henri Guette.












