Jill Gallieni
Jill Gallieni est aussi discrète et mystérieuse que le sont les prières qu’elle couche sur le papier et dont l’adresse ne peut se manifester qu’aux saintes qui y sont invoquées. En effet, celles-ci nous sont rendues intentionnellement illisibles. Ecriture cryptique par excellence, absence rendue visible, son oeuvre nous plonge alors dans un anachorétisme profond. Représentée depuis plus de 10 ans par la galerie, cette artiste française fait partie des grandes collections d’art brut européennes comme celles du Musée national d’Art moderne (Pompidou), du musée du LaM (France), de l’art brut de Lausanne (Suisse) ou encore la collection d’Hannah Rieger (Autriche).
Née en 1948 d’une mère américaine et d’un père comédien, Jill Gallieni est élevée loin de ses parents avant que son père ne la prenne en charge à sept ans. Depuis toujours, elle crée, à Paris, d’étranges poupées de tissus et, vers l’âge de 30 ans, les prières l’aident à se reconstruire, à chercher comment se sortir d’inextricables situations mentales qui l’empêchaient de vivre. Elle aurait d’abord voulu « dire » par des mots, mais voir une phrase écrite par elle lui était absolument insupportable. Alors, elle a inventé les phrases de prières, toujours les mêmes, des centaines de fois répétées, guirlandes de prières très serrées afin que le sens échappe à tous. Adressées à Sainte-Rita, patronne des causes désespérées, Jill « traite » par ces prières des situations, des personnes, elle-même, etc. Simili d’écriture ou écritures superposées les unes aux autres, c’est selon, l’encre noire ou de couleur emplit feuilles volantes et cahiers ; libérée de toute convention, l’écriture évolue dans différents sens, obéissant à une rythmique propre, suivant des courbes, des diagonales, dessinant, tels des calligrammes, fleurs, maisons, cœurs, ou d’autres formes parfois abstraites.
Ces textes saisissants ont récemment été accueillis dans les collections du Musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut de Lille.
Préface : Raphaël Koenig.
Avant-propos : Christian Berst.
Publié à l’occasion de l’exposition In abstracto #2, du 5 mars au 30 mai 2020.