in abstracto
#3
Troisième volet d’une série d’expositions collectives d’art brut abstrait initiée en 2017, in abstracto #3 présentera les œuvres d’une vingtaine d’artistes classiques et contemporains.
Jusqu’ici, la notion d’art brut abstrait relevait, au mieux, de l’oxymore, et au pire, de l’antinomie.
Or, pour peu que l’on accepte de regarder les œuvres, plutôt que d’admettre aveuglément les exclusions sur lesquelles Jean Dubuffet a fondé sa théorie, il faut bien se rendre à l’évidence : nombre d’œuvres d’art brut échappent de bien des façons à la figuration dans laquelle on croyait pouvoir tenir enfermé ce champ.
Ainsi, l’art brut abstrait, selon le mouvement profond dont il procède, revêt les formes les plus diverses et ce ne sont pas moins d’une vingtaine d’artistes qui illustrent ce troisième volet d’in abstracto.
Ainsi, exposés pour la première fois, les graphiques curatifs du croate Stjepan Vrbanec contrastent avec la beauté vénéneuse de dessins anonymes tchèques des années 1940. Tandis que les entités surgies des volutes de café de Marcello Cammi font écho à celles, plus
cosmiques, de Madge Gill et celles encore, résolument ectoplasmiques, de Raphaël Lonné. Et là où les gouaches de Jacqueline B. exsudent une folle vitalité, les pastels d’Anton Hirschfeld forment un manteau irréel à la trame de noms qu’ils recouvrent.
Chez Momoko Nakagawa et José Manuel Egea, quelque chose advient et se meut, par la grâce du geste, alors que Rudolf Limberger trace nerveusement ce qui s’échappe, déjà. Quant à Ramón Losa, la scansion de ses mots oscille entre l’écriture asémique et la notation lyrique. Plus ostensibles dans leur démonstration nous apparaissent Aníbal Brizuela, Karel Pajma et Bruno Buissonnet, qui confient tous trois à la géométrie et à des compositions savamment structurées le pouvoir d’évoquer la spiritualité, voire l’ésotérisme.
Quand Michel Nedjar renoue avec une grammaire plus surréalisante avec ses pipes enchevêtrées dans un tissu carminé, Hideaki Yoshikawa met en fusion la multitude de ses yeux, nez et bouches dans un solennel totem d’argile. Toutes ces manifestations plastiques nous renvoient au sens même de l’abstraction, à l’action d’extraire, d’isoler, qui convoquent en nous la nécessité d’imaginer. Car « l’imagination n’est rien d’autre que le sujet transporté dans les choses », comme l’écrivait Gaston Bachelard.
Texte : Raphaël Koenig
Avant-propos : Christian Berst
Publié à l’occasion de l’exposition in abstracto #3, du 9 février au 19 mars 2023.
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