Anibal Brizuela
Repéré dans l’institution psychiatrique de Rosario, en Argentine, son travail est présenté pour la première fois en 2005 au salon d’art contemporain ArteBA à Buenos Aires. Si sa démarche relevait initialement du dazibao, les motifs géométriques subtilement décentrés, comme la typographie acérée, relèvent manifestement d’une grammaire formelle plus privée. Homme énigmatique et obsédé par le complot, ses compositions semblent vouloir alerter l’humanité. Présent dans d’importantes collections, son oeuvre a été montré notamment dans les expositions art brut : a story of individual mythologies (Oliva Creative Factory, Portugal) et Museum of Everything au MoNa (Brierdale).
Interné au centre psychiatrique d’Oliveros dans la province Santa Fe en 1963, on sait peu de choses de la vie antérieure de l’Argentin Aníbal Brizuela. Né dans la province de Buenos Aires en 1935, ce petit homme maigre a mené pendant quarante ans une vie austère au sein de l’hôpital, aidant le personnel de l’hôpital avec leurs tâches quotidiennes et se consacrant, subrepticement, à ses dessins aux stylos à bille colorés sur des papiers trouvés ou des boîtes de médicaments. Si ses dessins-oracles évoquent le dazibao chinois, ceci n’est pas uniquement dû au fait qu’il les affiche volontiers un peu partout dans l’hôpital. Chargés de références et symboles mystiques ou politiques, ponctués d’allusions à l’actualité, ses dessins très structurés frappent à la fois par leur caractère sibyllin et leur liberté formelle.
Ce n’est qu’en 2003, lorsqu’il rencontre Fabiana Imola, dirigeante de l’espace culturel de l’hôpital, que Brizuela commence à disposer d’un cadre de promotion et de stimulation pour le développement de son œuvre plastique, non seulement en ce qui concerne le soin et la réunion de ses dessins, mais aussi à travers le commissariat de nombreuses expositions et leur insertion dans différents espaces d’art contemporain en Argentine. S’il n’aura jamais répondu à l’invitation de se joindre aux autres patients pour dessiner, il accepte cependant de présenter ses œuvres, dès 2005, au salon d’art contemporain ArteBA à Buenos Aires qui attirera l’attention de nombreux collectionneurs et galeries d’art nationaux et internationaux.
Dans son long-métrage Tanke Papi (2010), Rubén Plataneo (Muertes indebidas, 2005) part à la recherche du passé de l’artiste et tente de déchiffrer l’énigme du sens de ses dessins. En 2017, l’ouvrage Espiritu que vuelve regroupe certains des textes d’Aníbal dans lesquels il relate ses expériences télékinétiques, la vision d’une soucoupe volante et d’un temple descendant du ciel et que personne d’autre que lui ne serait capable de percevoir. Dans une mini-autobiographie fragmentaire, Aníbal nous explique : « J’écris toujours aux stylos billes. Je sais déchiffrer les formes mais elles ont peur. (…) En concentrant l’esprit, en faisant la force mentale, je commence à voir et à écrire. Quand j’écris, je ne ressens rien. Je me concentre. Je n’arrête pas de penser à ce livre. Quand les mines de mes stylos sont vides, je les jette dans l’arbre pour protéger les animaux qui s’y nourrissent. »
Aníbal Brizuela est présent dans d’importantes collections d’art brut et ses œuvres sont montrées lors de l’exposition collective Art brut, collection abcd/bruno decharme à la Maison rouge en 2014/2015 ainsi que dans l’exposition itinérante du Museum of Everything au MONA (Museum of Old and New Art) en Tasmanie en 2017/2018. Grâce au soutien de sa psychiatre et de son entourage, Aníbal sort du centre psychiatrique en 2012 et s’installe dans une petite maison à Oliveros. Il meurt à Rosario en 2019.
Préface : Anne-Laure Peressin
Avant-propos : Christian Berst.
Publié à l’occasion de l’exposition Anibal Brizuela : ordo ab chao, du 6 juin au 13 juillet 2019.