André Robillard
Interné depuis son adolescence, André Robillard a construit sa vie à l’hôpital. C’est vers l’âge de 30 ans que cet artiste français commence à créer des fusils avec des matériaux trouvés çà et là. Découvert par Jean Dubuffet et encouragé par Michel Thévoz (alors directeur de la collection de l’Art Brut), il continue à créer ses objets hybrides, des mitrailleuses au Spoutnik. L’histoire incroyable d’André Robillard lui a valu une reconnaissance internationale. Présent dans les collections du LaM (France), du Whitworth (Royaume-Uni) ou encore du MAC’s (Belgique), il a notamment été célébré dans l’exposition finale de la Maison rouge (Paris), en 2018. Un ensemble important de ses œuvres a rejoint en 2021 les collections du Centre Pompidou.
Donnant à voir ses œuvres, André Robillard répète : « Vous vous rendez-compte, vous vous rendez compte… ». De toute évidence, il n’en revient pas d’avoir créé de ses propres mains ces fusils, ces fusées et ces animaux admirables. Face à cette œuvre unique, nous partageons, heureux, son étonnement.
Né en 1931, fils d’un garde forestier de la forêt d’Orléans, André est hospitalisé pour troubles mentaux à la fin de son adolescence. Après plusieurs tentatives de remise en liberté, toutes suivies d’échecs, il est recruté comme auxiliaire pour s’occuper de la station d’épuration de l’hôpital, ce qui lui donne un véritable statut social et une certaine autonomie. La même année, il fabrique, à trente-trois ans, son premier fusil qu’un amateur éclairé envoie à Jean Dubuffet : ce dernier le conserve soigneusement dans la collection de la Compagnie de l’Art Brut. Dix ans plus tard, Michel Thévoz, alors conservateur du tout jeune musée de l’Art Brut de Lausanne, fasciné par ce fusil, invite Robillard à poursuivre sa production, ce qu’il fait avec entrain.
André puise principalement son inspiration de la télévision. Néanmoins, après une visite à Lausanne au cours de laquelle il est vivement impressionné par l’œuvre d’Auguste Forestier, il élargit ses sujets de prédilection (fusils, mitrailleuses, engins spatiaux…) et réalise une série d’animaux fantastiques et de personnages. Pour ses constructions, il utilise tout ce qui lui tombe sous la main : vieux tuyaux, ficelles, cartouches, boîtes, ampoules, tubes électriques, tissus, plastiques, qu’il assemble avec des clous, du scotch et du fil de fer. Jusqu’à une époque toute récente, il disposait d’un grand hangar atelier, où s’accumulaient les matériaux de récupération. Il y vivait entouré de bêtes (cochon d’Inde, oiseaux, chats, pigeons) et s’y montrait très fier de ses productions, mais sans se considérer pour autant comme un artiste.
Les créations de Robillard figurent à présent dans de nombreuses collections d’art brut et contemporain, dont la Collection de l’Art Brut lausannoise et le LaM (Lille metropole musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut) à Villeneuve-d’Ascq. Il a notamment été montré lors de l’exposition du Museum of Everything au MONA (Museum of Old and New Art) en Tasmanie ainsi que dans L’envol ou le rêve de voler à la Maison rouge de Paris.
En 2015, André Robillard a été le premier artiste brut a s’être vu remettre les insignes de chevalier des arts et des lettres.
Préface : Stéphane Corréard
Avant-propos : Christian Berst.
Publié à l’occasion de l’exposition Soit 10 ans : états intérieurs, du 12 septembre au 10 octobre 2015.