Royal Robertson
“Prophet” Royal Robertson a passé la majeure partie de sa vie en Louisiane, avec sa femme et leurs onze enfants. Peintre d’enseignes de formation, sa schizophrénie paranoïde déclenche en lui une prodigieuse fièvre créatrice. Ascensions éthérées, portraits de divinités, architectures futuristes pareilles à des “maisons témoins” d’un monde à venir, c’est comme s’il était descendu de sa planète, chargé de ses propres Tables de la Loi. Figurant dans d’innombrables collections comme celles du Smithsonian Museum of American Art (États-Unis) ou du Musée national d’Art moderne (Pompidou), son œuvre a été présenté, en 2018-19, dans l’exposition itinérante Into The Unknown, produite par le Barbican (Londres) et curatoriée par Patrick Gyger.
“Prophet” Royal Robertson est né en Louisiane, en 1936. Jeune homme, il migre sur la côte Ouest où il travaille alternativement dans les champs ou comme peintre d’enseignes. En 1955 il épouse Adell avec qui il aura 11 enfants.
Cette vie paisible, quoique rude, sera progressivement dévastée par la schizophrénie paranoïde dont il souffre. Sa jalousie maladive et ses bouffées délirantes finissent par faire éclater toute sa famille et, à mesure qu’il s’enfonce dans sa solitude, le monde lui paraît de plus en plus hostile. Dès lors, il se mue en prophète sans disciples, se plaçant résolument dans un espace-temps mythique. Son existence, à partir de cette époque, est rythmée par d’incessants allers-retours entre l’intimité de sa maison — dont l’accès est hérissé de mises en garde — et les contrées extraterrestres où il puise sa consolation.
Chacun de ses “voyages” semble donner lieu à une œuvre portée par un souffle eschatologique. Une œuvre gardant constamment la trace des infidélités supposées de sa femme comme une perpétuation du péché originel, mêlées à d’autres imprécations furieuses et à des litanies de péchés irrémissibles. Royal met son habileté de peintre d’enseignes au service d’un évangile pop, historié et hystérique, aux couleurs stridentes et aux typographies hallucinées. Ses calendriers sont comme la chronique d’un temps magique, ponctuée de versets bibliques et assortis de visions qui paraissent surgies de comics books au service du redressement moral.
Ascensions éthérées, portraits de divinités ou d’aristocrates “martiens”, architectures futuristes pareilles à des “maisons témoins” d’un monde à venir, c’est comme si Royal Robertson, tel un Moïse des temps modernes, était descendu de sa planète chargé de ses propres tables de la loi. En quête de rédemption — la nôtre comme la sienne — Prophet Royal Robertson disparaît en 1997, cinq ans après que l’ouragan Andrew eût emporté son havre de prédication.
Présent dans les plus grandes collections en Europe et aux Etats-Unis, Royal Robertson est une figure majeure de l’art brut.
Préface : Pierre Muylle
Avant-propos : Christian Berst
Publié à l’occasion de l’exposition Prophet Royal Robertson : space gospel, du 27 octobre au 19 novembre 2016.