Thérèse Bonnelalbay
Infirmière de profession, c’est lors de réunions au Parti communiste de Marseille, qu’elle commence à dessiner dans les années 1960. Retrouvée noyée dans la Seine en 1980 elle laisse derrière elle un oeuvre exceptionnel. Souvent comparés à Henri Michaux, ses dessins idéographiques à l’encre de Chine sont emplis de mystère. En 1967 elle fait partie l’exposition historique L’Art Brut au musée des Arts décoratifs de Paris. Désormais présente dans de nombreuses collections parmi lesquelles la Collection de l’Art brut (Lausanne), le LaM (Villeneuve d’Ascq) mais aussi dans la collection abcd/Bruno Decharme (France), un dossier lui est consacré dans le Fascicule de l’Art Brut n°11.
Sans crier gare, Thérèse s’est laissée surprendre par son art : sa main, machinalement, griffonna quelques signes d’une candeur stupéfiante, prémisses d’un flot ininterrompu… Ces esquisses aériennes affleurent les arcanes de l’inconscience, et nous plongent, à l’instar des recherches d’Henri Michaux, au cœur d’un onirisme graphique où la frontière entre pictural et scriptural s’estompe et où l’ineffable sourd. Née dans l’Hérault d’un père charbonnier, Thérèse part à l’âge de 29 ans vivre à Marseille pour y travailler comme infirmière. Quelques années plus tard, en 1959, elle se marie à l’instituteur Joseph Guglielmi dont elle a deux enfants. Le couple est mu par des convictions politiques, si bien qu’il se rend régulièrement aux réunions du parti communiste.
C’est à l’occasion d’un de ses rassemblements, en 1963, que Thérèse esquisse mécaniquement quelques griffures à l’encre sur un brouillon dévoyé. Son mari, saisi par ces formes inhabituelles, l’encourage à poursuivre, si bien que Thérèse, de longues années durant, laisse sa main vaguer sur la surface blanche du papier. D’abord volontiers figuratives, ses productions s’épanouissent progressivement dans une abstraction éthérée où dessin et écriture s’épousent et non plus s’opposent. Croquis, idéogrammes, simulacres, alphabet imaginaire ? L’indécision face à cette création en fait sa force même. Alors que la famille est venue vivre à Ivry-sur-Seine, Thérèse disparaît le 16 février 1980 : elle est retrouvée un mois plus tard, noyée dans la Seine, laissant derrière elle un œuvre extraordinaire.
Ses créations, très appréciées par Jean Dubuffet, figurent dans d’importantes collections dont celles de Lausanne et du LaM à Lille.
Préface : Raphaël Koenig.
Avant-propos : Christian Berst.
Publié à l’occasion de l’exposition In abstracto #2, du 5 mars au 30 mai 2020.