Sur le fil
par Jean-Hubert Martin
Pour la première fois en France, Jean-Hubert Martin - historien d’art, conservateur et commissaire d’exposition (Magiciens de la Terre (1989), Carambolages (2016)) a accepté de répondre à l’invitation de deux galeries parisiennes, christian berst art brut et galerie Jean Brolly d’assurer le commissariat d’une exposition initiant un dialogue fécond entre art brut et art contemporain.
L’exposition sur le fil est à découvrir à partir du samedi 9 avril 2016, simultanément dans les deux galeries et fait l’objet d’un catalogue de 200 pages avec un texte de Jean-Hubert Martin et des avant-propos de Jean Brolly et Christian Berst.
L’art brut est entré dans une nouvelle ère : jadis plébiscité par des amateurs éclairés aussi rares qu’exclusifs, ces œuvres surgies de l’altérité sont désormais fréquemment associées à des productions artistiques plus attendues. Mais les enjeux d’une telle inclusion dans le champ de l’art patenté vont bien au-delà des questions liées à leur monstration ou à la manière de les contextualiser.
En effet, la dialectique usuelle semble ne pas avoir de prise sur ces œuvres dénuées de toute référence explicite à l’histoire de l’art. Elles nous obligent, au contraire, à repenser cette histoire qui, dès lors, ne peut plus être envisagée comme un continuum, mais comme une structure rhizomatique complexe. Un réseau où l’histoire, les cultures, les sources et les formes n’interagissent plus selon une linéarité quasi darwinienne et occidentalo-centrée, mais un réseau qui nous impose de reconsidérer l’art comme un fait humain substantifique et métaphysique. Un geste où le magique et le mystérieux transcendent les cloisonnements anciens et rendent totalement caduques tant les bipolarités confortables que la fallacieuse quête du beau.
Par quels moyens, donc, pénétrer et interpréter les œuvres, celles, « impensées » par les académies, et celles produites sous le joug tutélaire de l’histoire de l’art ? Comparaison n’est pas raison - elle est peut-être même déraison – mais la mise en dialogue entropique de productions aux natures si hétéroclites est une voie qui offre les perspectives les plus excitantes. C’est celle qu’a choisie Jean-Hubert Martin – depuis Les Magiciens de la Terre, en 1989, jusqu’à Carambolages, aujourd’hui – en guettant dans la collision et la juxtaposition des thèmes ou des formes le surgissement d’un sens dérobé. En invitant également le regardeur à prendre toute sa part, toute sa responsabilité, l’enjoignant de penser avec ses yeux, de se tenir sur le fil.
artistes présentés : Didier Amblard, Bernard Aubertin, Denise Aubertin, Beverly Baker, Franco Bellucci, Ben, Eric Benetto, Thérèse Bonnelalbay, Marina Bourdoncle, Frédéric Bruly-Bouabré, Misleidys Castillo Pedroso, Rosa Cazhur, Nicolas Chardon, Alan Charlton, Mathieu Cherkit, Jean Claus, Vincent Corpet, Krijn de Koning, John Devlin, Janko Domsic, Eugène Dodeigne, José Manuel Egea, Sebastián Ferreira, Filip Francis, Alexandro Garcia, Paul Armand Gette, Fengyi Guo, Thomas Hirschhorn, Josef Hofer, Xie Hong, Rémy Hysbergue, Myung Ok-Han, Peter Kapeller, John Urho Kemp, Adama Kouyaté, Eugène Leroy, Pierre Molinier, Albert Moser, Michel Nedjar, Marilena Pelosi, Raphaëlle Ricol, Royal Robertson, Patricia Salen, David Scher, Daniel Schlier, Milton Schwartz, Judith Scott, José Johann Seinen, Henry Speller, Harald Stoffers, Benjamin Swaim, Ionel Talpazan, Miroslav Tichý, David Tremlett, Bernard Voïta, August Walla, We are the Painters (Nicolas Beaumelle & Aurélien Porte), Scottie Wilson, Adolf Wölfli, Carlo Zinelli, Zorro.