in abstracto
Art brut et abstraction : on ne penserait pas d’emblée à associer les deux termes, qui pourraient même paraître antithétiques. Pourtant, la galerie christian berst art brut présente in abstracto, une exposition collective d’oeuvres d’art abstraites produites par 26 artistes classiques et contemporains.
« Entre une élégante arabesque, un ready-made ligoté, un diagramme mystique, un étrange brouillard organique où se détachent des formes primordiales, ou une page calligraphiée qui semble tirée d’un mystérieux grimoire : autant de facettes d’un “art brut abstrait” qui semble offrir d’infinies possibilités de recherche et de contemplation » (Raphaël Koenig).
Jusqu’ici, la notion d’art brut abstrait relevait, au mieux, de l’oxymore, et au pire, de l’antinomie. Or, pour peu que l’on accepte de regarder les œuvres, plutôt que d’admettre aveuglément les exclusions sur lesquelles Jean Dubuffet a fondé sa théorie, il faut bien se rendre à l’évidence : nombre d’œuvres d’art brut échappent de bien des façons à la figuration dans laquelle on croyait pouvoir tenir enfermé ce champ.
En 1922, déjà, le psychiatre Hans Prinzhorn préférait aux œuvres par trop narratives de ses patients celles qui manifestaient « un état plus “pur” en ce que le geste qui les fait naître ne subirait pas les interférences du conditionnement culturel et du savoir-faire artistique. » ainsi que le souligne Raphaël Koenig dans le texte de notre catalogue.
Dubuffet, en forgeant sa conception de l’art brut notamment par opposition à l’art abstrait plébiscité à son époque - tout au plus acceptait-il les sismographies des spirites - ne mesurait certainement pas à quel point l’art brut non figuratif élargissait considérablement sa quête d’essentialité.
Ainsi, l’art brut abstrait, selon le mouvement profond dont il procède, revêt les formes les plus diverses : il y a celui, pulsionnel et gestuel d’une Baker ou d’une Bonnelalbay ; cet autre où se déploient des cosmologies sibyllines, comme chez Kemp ou Way ; celui où se tracent des cartographies psychiques chères à Salen et Košek ; celui, cryptographique et symbolique, d’un Devlin et d’un Gaitán ; celui aussi, fruit des transes médiumniques vécues par Lonné ou Zéphir ; cet autre encore dont les volumes transfigurent les matériaux qui les composent, ainsi chez Bellucci et Tassini ; sans compter l’abstraction géométrique d’un Moser ou d’un Brizuela, et tant d’autres.
Autant d’expressions dont l’éloquence et l’intensité font écho au Rimbaud de la Saison en Enfer : « J’écrivais des silences, des nuits, je notais l’inexprimable. Je fixais des vertiges ».
Préface : Raphaël Koenig
Avant-propos : Christian Berst.
Publié à l’occasion de l’exposition In abstracto, du 8 juin au 15 juillet 2017.