Tom Wilkins
Qui est Tom Wilkins ? C’est la question à laquelle Sébastien Girard essaie de répondre depuis 2011, date à laquelle il a fait l’acquisition de 900 polaroïds énigmatiques, édités en 2017 sous le nom My TV Girls. Cette série de captations télévisuelles légendées par son auteur, allant de 1978 à 1982, met invariablement en scène des femmes et se termine par le seul et unique autoportrait de la série où Tom Wilkins, se représente en femme. Retrouvée dans une maison de Boston aux États-Unis, l’acquisition de cette longue série photographique donne naissance à l’enquête presque policière que Sébastien Girard a menée pendant près de 12 ans afin d’élucider le mystère Tom Wilkins.
Ce que l’on sait de Tom Wilkins se raconte en quelques mots : il aurait vécu de 1951 à 2007, et résidait probablement à Boston. Alors comment interpréter son corpus d’images ? Illustrations, non sans une certaine crudité, de la manière dont le petit écran, et la société américaine avec lui, façonnait alors l’image de la femme désirable. Il apparaît ensuite que Wilkins nous pose des questions bien plus fondamentales, allant de la quête d’identité à la sublimation de la libido. L’autoportrait de Wilkins, pris dans un miroir, le visage dissimulé par l’appareil et vêtu d’un soutien-gorge, agit comme la clé de cette énigme. C’est en fouillant et en regroupant ces polaroïds à la manière d’un monteur que Sébastien Girard découvre l’indice principal, caché au cœur de l’œuvre, sa signature apposée sur le cadre blanc de la photographie. Cet ultime polaroïd semble ainsi surplomber l’ensemble de l’œuvre, ouvrant sur le pan complexe de la question du genre.
Œuvre à la fois unique et kaléidoscopique, absorbé par son seul objet, portant la passion au point de la documentation méthodique, appliquée, studieuse. Œuvre doté du magnétisme des stars qu’en photographiant il s’approprie, d’un œil que l’on imagine transporté, extatique. D’un geste que l’on devine fasciné, épris, devenant au fil des répétitions aussi naturel qu’un réflexe. Prise de vue après prise de vue, Tom Wilkins se mue en photogramme de la féminité au tournant des années 1980, portant au carré la voracité attentiste, confortable, du regardeur de la télévision : Wilkins va jusqu’à construire une mémoire. Et l’immédiateté du polaroid, qui d’un geste fait sans délai une image, y répond parfaitement – à la différence d’un Miroslav Tichy dont l’obsession voyeuriste s’appuie sur les accidents de développement, les variations d’ouverture et du temps de pose.
À travers cette collection méthodique de sujets féminins élevées au rang d’icônes, Tom Wilkins se dévoile et se dérobe dans le même temps, nous laissant finalement seuls devant la beauté bleutée de son fascinant ensemble. En transformant cet ensemble en livres, Sébastien Girard ajoute au documentaire photographique de Tom Wilkins la dimension fictionnelle que rend disponible son énigmatique histoire, formant dans l’entreprise éditoriale le scénario d’un film encore à réaliser, ou encore à exhumer.
La série de polaroïds My Tv girls a déjà fait l’objet de trois publications conçues par Sébastien Girard :
- Sébastien Girard – My Tv girls, 256 pages, 29.5 x 37 cm, 2017, signé et numéroté (75 exemplaires)
- Diary of Tom Wilkins, 110 pages, 29,5 x 37 cm, 2018, imprimé et relié à la main par Sébastien Girard dans son atelier (150 exemplaires)
- Sébastien Girard – My Tv girls, 2023, 10 x 14,5 cm, 288 pages, imprimé et relié à la main (500 exemplaires), édités à l’occasion de Paris Photo 2023