Mary T. Smith
Enfant pauvre du Mississippi contrainte aux labeurs les plus durs, cette Afro-Américaine a entamé, au soir de sa vie, un œuvre qui s’apparente à un véritable blues graphique. Mary T. Smith donnait corps à sa cosmologie personnelle en peignant sur des panneaux de tôle et de bois disposés autour de sa maison. Son “esthétique solaire” — dixit Daniel Soutif — et ses modes de représentation puissamment élémentaires ont fait forte impression sur Jean-Michel Basquiat. Aujourd’hui considérée comme une figure emblématique de l’art brut américain, ses œuvres sont entrées au Metropolitan Museum of Art (New York), au Smithsonian Museum of American Art (Washington) ou encore au High Museum of Art (Atlanta).
Mary Tillman Smith est née en 1904 dans le sud du Mississippi, troisième de 13 enfants d’une famille de métayers. Elle a travaillé la majeure partie de sa vie dans des fermes et comme cuisinière. Souffrant d’une déficience auditive importante, cette afro-américaine communiquait peu avec son entourage. Enfant, elle ne se mêlait pas aux autres mais traçait des dessins dans la poussière.
Mariée et divorcée à deux reprises, elle a un fils qu’elle élève seule. Vers 1978, après une vie de misère et de souffrance que rien ne prédisposait à la création, Mary Smith prend sa retraite et commence à aménager la cour de sa maison en de nombreux espaces tous décorés de motifs, transcendant ainsi sa condition en établissant un rapport particulier au monde où l’art devient l’intercesseur par excellence de forces qui la dépassent et lui fait retrouver sa dignité. Utilisant des planches de bois ou des tôles comme support, elle peint son quotidien : portraits d’amis, de voisins, figures allégoriques ou animaux de la ferme, la plupart en une ou deux couleurs. Elle ajoute parfois des signes ou des slogans qui marquent sa croyance et son amour de Dieu. Au-dessus de sa maison, elle place des panneaux diffusant des messages aux automobilistes.
Lorsqu’elle décède en 1995, à l’âge de 91 ans, elle laisse un œuvre d’une force élémentaire unique constitué de quelques centaines de peintures. Des peintures de Mary T. Smith ont été montrées, dès 1988, dans l’exposition Outside the Mainstream : Folk Art in Our Time organisée par le High Museum of Art d’Atlanta ainsi que dans l’exposition souls grown deep like the rivers, à la Royal Academy of Arts. Elle a récemment intégré la collection du Metropolitan Museum of Art de New York.
Textes : William S. Arnett & Daniel Soutif
Avant-propos : Christian Berst
Publié à l’occasion de l’exposition mary t. smith : mississipi shouting #2, du 14 octobre au 21 novembre 2021.