Jean Perdrizet
Cet ancien adjoint des ponts-et-chaussées, devenu « inventeur », a fasciné tous les scientifiques qu’il a rencontrés. Sans relâche, il a voulu éveiller les consciences en outrepassant les limites de la raison. Les plans de ses inventions qu’il adressait aux plus hautes instances scientifiques, comme la NASA, le CNRS ou le comité Nobel, sont autant d’invitations à reconsidérer les possibilités de la physique, en nous donnant les codes d’un ailleurs. Celui à qui nous avons consacré une importante monographie est aujourd’hui présent dans d’éminentes collections parmi lesquelles le Mnam-Centre Pompidou (France), la collection de l’art brut (Lausanne), le LaM (France), la Pinacothèque Hervé Lancelin (Luxembourg) ou celle d’Antoine de Galbert (France).
Oui-ja électrique, Filet thermoélectronique à fantômes, Robot cosmonaute, Balance spatiale, Curseur imagination, Pipe volante, Buître à pales variables… Les noms des inventions merveilleuses de Perdrizet offrent une véritable délectation poétique en même temps qu’ils ouvrent et créent un univers autonome et enchanteur où le positivisme de la science épouse une imagination inaltérée et exaltée.
Né en Bourgogne de parents instituteurs, Jean Perdrizet passe sa vie célibataire, auprès de sa mère. Après son bac, il obtient en 1931 le diplôme d’adjoint technique des ponts et chaussées mais sera mis en disponibilité huit ans plus tard, pour raisons de santé. Par la suite il travaille épisodiquement à Électricité de France puis à la surveillance de la construction du pont de Bollène. Vers 1955, la famille Perdrizet s’installe à Dignes.
Perdrizet réalise dès l’âge de 24 ans les plans de ses inventions prodigieuses. Il s’enthousiasme autant pour la construction de robots, de machines à percer les plafonds que de soucoupes volantes et de moyens de communiquer avec les morts ou les extraterrestres. A la suite du décès de son père, il se fabrique une table spirite d’une légèreté inouïe pour entrer en contact avec lui et organise des séances avec ses voisins. Trouver une langue universelle le passionne également : il invente la « langue T » ou « espéranto sidéral » qu’il dit « parler couramment ». De sa cave surgissent de temps à autres des constructions loufoques : sa soucoupe volante lui vaut l’admiration des gamins de son quartier. Perdrizet se dit « inventeur » et se tient au courant des avancées scientifiques les plus récentes. Cherchant à faire connaître ses innovations, il expédie « deux tonnes [de plans] en 40 ans » à la NASA, au CNRS, aux facultés de sciences, au Vatican, à l’UNESCO, à l’Académie suédoise dans l’espoir de recevoir un prix Nobel… Sans résultat. Pour autant, plusieurs scientifiques s’intéressèrent à son travail tels que José Argémi ou Jacques Paillard ; le peintre et collectionneur Adrien Dax enviait son « état de grâce »… Perdrizet, inventeur passionné par la science, repousse les frontières de cette discipline et la transcende en un espace aérien et sublime où l’impossible laisse place à l’imaginaire.
Au décès de sa mère, il déclare : « elle n’est pas morte, elle est ailleurs », avant de la rejoindre trois jours plus tard… Si les constructions de Perdrizet ne lui ont pas survécu, ses plans et traités linguistiques ont été conservés par le musée de Digne-les-Bains et constituent aujourd’hui un œuvre majeur d’art brut, notamment exposé au LaM, à Villeneuve d’Ascq
Préface : Jean-Gaël Barbara, Manuel Anceau, José Argémi, Marc Décimo
Avant-propos : Christian Berst.
Publié à l’occasion de l’exposition Jean Perdrizet : deus ex machina #2, du 7 juin au 13 juillet 2018.