Luboš Plný
Figure reconnue de l’art brut contemporain, cet artiste tchèque est fasciné par l’iconographie médicale. Expert des arcanes de l’anatomie, il s’adonne – lorsqu’il ne dessine pas - à toutes sortes de performances rappelant les actionnistes. En testant les limites de l’existence physique, il conjure la mort et sublime la vie dans ce qu’elle a de plus organique. Ses œuvres extrêmement détaillées à l’encre de Chine et à l’acrylique, sont entrées dès 2013 dans les collections du Musée National d’Art Moderne (Paris) puis en 2021 grâce à la donation Bruno Decharme et furent notamment exposées à plusieurs reprises à la Maison rouge, au Japon ou lors de la biennale de Venise 2017.
Fils unique d’une mère possessive, Luboš Plný se consacre dès l’enfance à ses deux passions : le dessin et l’anatomie. Celui qui, lors de son service militaire, fut transféré en hôpital psychiatrique, se mit alors à étudier avec beaucoup de sérieux la littérature médicale et psychiatrique. Fasciné par les corps en décomposition et la dissection il passe un diplôme de fossoyeur mais est surtout employé comme modèle à l’Académie des Beaux-Arts de Prague. D’où le tampon avec lequel il « signe » toutes ses œuvres « Luboš Plný, modèle académique ».
Fort de cette distinction il commence à dessiner, à l’aube des années 2000, des compositions à l’encre de Chine, rehaussées d’acrylique et parfois de collages, codifiées à l’extrême, suivent un protocole immuable, mêlant coupes anatomiques aux multiples points de vue et agencements d’organes dans lesquels circulent fluides et sécrétions. « C’est un journal que je poursuis au quotidien » explique-t-il. L’état de sa propre vie organique est ainsi au cœur de son travail et chacun de ses dessins s’inscrit dans une temporalité. Il commence invariablement par noter le nombre de jours vécus depuis sa naissance, puis les heures, les minutes-même, travaillées sur chacune des parties de l’œuvre qu’il parsème aussi de mentions d’événements vécus le temps de sa composition, d’une écriture minuscule.
Plný est persuadé que dessiner l’un de ses organes l’amènerait à une forme de méditation sur les limites de son existence physique. Son œuvre témoigne aussi de sa passion pour la texture, l’haptique et l’érotisme.
Par ses performances, il se confronte aux limites de la douleur qu’il ressent comme un acte de purification, transformant la souffrance psychique et physique en une œuvre artistique.
Faut-il y voir un rituel de guérison, une offrande sacrificielle ? Est- ce la mort que l’artiste cherche à apprivoiser ou à conjurer.

Préface : Stéphane Corréard
Avant-propos : Christian Berst.
Publié à l’occasion de l’exposition Soit 10 ans : états intérieurs, du 12 septembre au 10 octobre 2015.