José Manuel Egea
Convaincu de sa lycanthropie (croyance selon laquelle la métamorphose d’un homme en loup serait possible), ce jeune artiste madrilène est
fasciné par la métamorphose kafkaïenne présente dans l’univers du comics et de la mythologie. Son œuvre, lui aussi polymorphe, constitué de
dessins, sculptures et performances, nous exhorte à accepter notre thérianthropie (transformation d’un être humain en animal) refoulée. Défendu par la galerie depuis 2016, il a fait l’objet, la même année, d’une vaste présentation lors de la Biennale de l’Image possible, à Liège. En 2022, ses œuvres étaient présentées dans l’exposition Photo | Brut #2 au Botanique à Bruxelles. Il est aujourd’hui présent dans de grandes collections européennes, comme celles d’Antoine de Galbert ou de Laurent Dumas.
Né à Madrid en 1988, José Manuel Egea est, depuis l’âge de 10 ans, un adepte des super-héros des Marvel Comics, et tout particulièrement de Jack Russell le loup garou et de Hulk, le géant vert qu’il se plaît à imiter. La transformation de l’homme en bête, d’être humain en créature puissante, terrible et indestructible, le fascine. Elle est au centre de toute sa création, produite depuis 2010 au sein du centre de création « Debajo del sombrero » (Sous le chapeau) qui accueille des personnes présentant des déficiences mentales.
Egea n’a pas de difficulté à se connecter à « la part de loup » — comme il l’appelle — qui réside en tout individu. Il la connaît bien, l’exprimant lors de crises au cours desquelles il a besoin de hurler et de déchirer toutes sortes de choses, tout spécialement ses vêtements, pour se calmer. Sa famille raconte comment chez eux, Egea a l’habitude de déchirer le papier, de préférence les magazines et les livres illustrés (tout spécialement ceux sur l’art), qui doivent donc être cachés afin d’éviter qu’il ne les découpe ou en arrache les couvertures.
Un large pan de son travail consiste à modifier des photographies choisies dans des magazines, qu’il crayonne au stylo bille jusqu’à ce que le portrait, enterré sous la noirceur de l’encre, disparaisse pour céder au monstre. Son stylo invoque l’animal qui réside dans le sujet du portrait et qui lutte pour émerger.
Une série de mots ou de phrases qu’il répète mystérieusement l’attire particulièrement : androgyne, la naissance, la transformation, sacristie, étant né nu, cordon ombilical, le mannequin, la plage, il devient moitié homme moitié loup, hypertrichose, restant noir pour toujours, homidés — ce dernier mot, semble-t-il, l’effraie beaucoup.
Préface : Graciela Garcia & Bruno Dubreuil
Avant-propos : Christian Berst.
Publié à l’occasion de l’exposition José Manuel Egea : lycanthropos, du 3 septembre au 15 octobre 2016.