José Manuel Egea
Convaincu de sa lycanthropie (croyance en la transformation d’un homme en loup), ce jeune artiste madrilène s’inspire des métamorphoses kafkaïennes, des comics et de la mythologie. Son œuvre polymorphe – dessins, sculptures, performances – nous invite à accepter notre thérianthropie refoulée (transformation d’un être humain en animal). Défendu par la galerie depuis 2016, ses œuvres ont figuré récemment dans Photo | Brut #2 à Bruxelles (2022), Portreto de la Animo au Museo Nacional de Soares dos Reis à Oporto (2023), ainsi qu’à la Fundación ONCE à Madrid et à la Fondation Francès (2024). Ses créations enrichissent d’importantes collections européennes comme celles d’Hervé Lancelin, Laurent Dumas ou Piet Meyer.
Né à Madrid en 1988, José Manuel Egea est, depuis l’âge de 10 ans, un adepte des super-héros des Marvel Comics, et tout particulièrement de Jack Russell le loup garou et de Hulk, le géant vert qu’il se plaît à imiter. La transformation de l’homme en bête, d’être humain en créature puissante, terrible et indestructible, le fascine. Elle est au centre de toute sa création, produite depuis 2010 au sein du centre de création « Debajo del sombrero » (Sous le chapeau) qui accueille des personnes présentant des déficiences mentales.
Egea n’a pas de difficulté à se connecter à « la part de loup » — comme il l’appelle — qui réside en tout individu. Il la connaît bien, l’exprimant lors de crises au cours desquelles il a besoin de hurler et de déchirer toutes sortes de choses, tout spécialement ses vêtements, pour se calmer. Sa famille raconte comment chez eux, Egea a l’habitude de déchirer le papier, de préférence les magazines et les livres illustrés (tout spécialement ceux sur l’art), qui doivent donc être cachés afin d’éviter qu’il ne les découpe ou en arrache les couvertures.
Un large pan de son travail consiste à modifier des photographies choisies dans des magazines, qu’il crayonne au stylo bille jusqu’à ce que le portrait, enterré sous la noirceur de l’encre, disparaisse pour céder au monstre. Son stylo invoque l’animal qui réside dans le sujet du portrait et qui lutte pour émerger.
Une série de mots ou de phrases qu’il répète mystérieusement l’attire particulièrement : androgyne, la naissance, la transformation, sacristie, étant né nu, cordon ombilical, le mannequin, la plage, il devient moitié homme moitié loup, hypertrichose, restant noir pour toujours, homidés — ce dernier mot, semble-t-il, l’effraie beaucoup.
Préface : Graciela Garcia & Bruno Dubreuil
Avant-propos : Christian Berst.
Publié à l’occasion de l’exposition José Manuel Egea : lycanthropos, du 3 septembre au 15 octobre 2016.